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DOULEURS ET DÉFAILLANCES.

monde où j’ai eu des amis, et ce cher jardinet que je soignais avec tendresse, et ces bois où nous avons fait de si belles promenades, et ces montagnes dont la vue devient un véritable besoin pour les yeux qui en ont joui. Le misérable sort que le nôtre ! Il est impossible de rester, mais il n’est guère moins impossible départir ! » Là-dessus elle se remit à pleurer avec une effusion si naturelle et si contagieuse que je m’enfuis de peur de l’imiter.

Comme je me trouvais au bout de la rue Neuve, à l’extrémité de la ville, le hasard me fit faire une troisième visite, qui n’était ni dans mes intentions, ni dans mes habitudes : je vis le cimetière ouvert et j’y entrai.

Ce cimetière de Saverne est un des plus riants que je connaisse, bien fleuri, planté de beaux arbres et peuplé de petits oiseaux. Il a d’ailleurs le mérite assez rare de ne point séparer, sous prétexte d’orthodoxie, les chrétiens que le voisinage, l’estime et l’amitié ont unis : catholiques et protestants y dorment côte à côte, confondus dans la mort comme ils l’ont été dans la vie. J’étais donc tout porté pour faire en quelques pas ma tournée du bon vieux temps, et pour distribuer un salut cordial à tant d’amis qui ne sont plus. La réunion est nombreuse, elle emplit tout l’angle du sud-est : comme le marbre et la pierre ont poussé dru