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marchait bon pas vers la Gloire en tenant par la main Tonton-Phile, aussi condamné que lui.

La Mort était proche. Les médecins qui le traitaient se demandaient grâce à quelle énergie surhumaine cet étre frêle, cet enfant qui paraissait toujours 16 ans, tenait tête si héroïquement. Oui, il y a de l'héroïsme dans le cas d'Abgrall. Avoir la certitude absolue de l'inutilité des remèdes, ne pouvoir espérer que des délais de faveur, mal- gré tout conserver de la bonne humeur, rire avec ses cama- rades, se mêler aux luttes du Forum, réciter des vers, voire en chanter, aimer son Pays, ne haïr personne, accepter le Destin en utilisant toutes les minutes libres pour laisser, à défaut de fortune, une Oeuvre après soi, n'est-ce pas une forme et non la moindre, de l'Héroïsme ?

Le cher garçon avait d'ailleurs de qui tenir. Il avait de sa mère les traits et l'énergie. Lorsqu'on eut dit à cette Bretonne : « Votre fils doit renoncer à tout avenir; il lui faut des soins, des remèdes », elle connut l'impossibilité de suffire à cette charge avec son maigre salaire de journée, dans le bourg perdu de Botmeur. Et la courageuse maman de confier le malade à la mamm-goz, et de partir pour Paris, oů, forte et capable, elle gagna les gros gages qui permettaient à François de continuer à chanter sur la lande, au-dessus du lun-Ioudik, et des rochers chaotiques de l'Arrée.

Le gentil Poète, ombre diaphane, après quelque répit dû au coma, rendit son dernier souffle le 12 du mois de mars 1930.

Le jeudi 13, après midi, par une pluie ténue comme un brouillard (la Montagne pleurait son Alouette), nous le conduisîmes à l'église, puis au cimetière. On ne vit jamais foule plus nombreuse que derrière le cercueil de ce Pauvre.