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LA BROUETTE DE LA MORT[1]


Dans le soir qui descend, lugubre, à l’infini,
Les grands ajoncs craintifs ont cessé leur murmure,
Et ces fous de lutins, que la nuit seule endure,
Ont soudain détalé devant le char maudit.

Il vient du Saint-Michel, tout droit par les tourbières,
Sans crainte du péril qu’il trouve à chaque pas,
En chassant les damnés qui, depuis leur trépas,
Tourbillonnent en vain dans un vol de sorcières.

Karrigel-an-Ankou, qui fait taire les plaintes,
Et qui, passé minuit, règne dans les marais,
Régissant les maudits tassés dans les genêts,
A surgi tout à coup, balayant les complaintes.

Perfide « Bugel noz », korrigans fanfarons,
Dans les sentiers moussus qui dansez la gavotte,
Entendez-vous ce rire infernal qui dénote
L’approche de la Mort, à l’entour des buissons ?

Mais là-bas, au lointain que les ténèbres noient,
La rafale a repris son chant démesuré ;
Dans Botmeur endormi, les chiens alors aboient,
En sentant dans le vent passer l’éternité !

  1. En breton, Karrigel an Ankou.