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Hier, j’avais vingt ans


Il y a plus de huit mois que j’ai quitté le sanatorium. Regaillardi par l’air du pays natal, l’énergie ranimée par le sourire des filles fraîches, j’ai repris, un moment, le pas sur la maladie. Alors, le corps revigoré, j’ai foncé tête baissée dans les imprudences. Je ne regrette rien. Je ne puis me reprocher d’avoir voulu profiter d’une accalmie pour fuir la glaciale averse. Chacun peut et doit réclamer sa part au festin.

Comme les autres, mes camarades d’enfance, j’ai voulu rire, m’amuser, chahuter les pucelles et les demi-pucelles au retour nocturne des pardons. Cet acompte pris sur le plaisir malgré la formelle interdiction, je l’ai payé cher. Tant pis, quoique je l’aie payé trop cher sans doute, car des prix élevés n’indiquent pas toujours la valeur réelle de la marchandise. Enfin, qu’importe ! Ce qui est fait, est bien. Je voulais fêter un peu mes vingt ans, leur donner le baptême de l’amour et du soleil et si la froide saison n’a pas tardé à me reprendre dans son manteau gelé, j’ai du moins joué ma chance. Notre corps pour la libre disposition de lui-même, a des raisons que la Raison ne connaîtra jamais. Si j’ai perdu, c’est que je n’avais dans mon jeu que des atouts nuls pour une partie de cette envergure : une ardeur juvénile et l’éternel mirage des cœurs toujours trop neufs !

Dans la liesse générale du printemps éternel chantant sa romance adorable au banquet des artistes et des poètes, j’ai voulu avoir ma part du butin. Et comme les papillons