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Le soleil rutile et mai sourit au cœur des roses.

J’ai prétexté une recrudescence réelle de bronchite pour revenir à Huelgoat. Avec enthousiasme, j’ai revu le lac miroitant et les bois majestueux qui se parent. Avec fougue j’ai repris Mimi, ma blonde dactylo.

Ah ! ce vieil industriel ! Quelle pitié de garder ainsi prisonniers la beauté et l’amour ! vieux mécréant méphistophélique, on ne renferme pas les oiseaux gazouilleurs et les jolies filles. Si je deviens riche un jour, mais je divague, moi aussi j’aurais beaucoup de mignonnes et gentes dactylos blondes : et je leur rendrais la liberté. Colombes, allez vous pâmer d’amour dans les hêtres au vert tendre !…

J’ai fait ma demande d’admission au sanatorium. Le pneumothorax réussissant, paraît-il, le médecin du dispensaire a transmis ma demande à la Préfecture parce que je devenais un cas intéressant ! Champ d’expériences. Cobaye. Et tous les malheureux écoliers qui ne sont pas des cas intéressants et qui achèvent de mourir sur les grabats dans d’infects taudis, qu’en ferez-vous ? L’hôpital ? oh ! comme aux jeunes oreilles, ce mot sonne glas ! Que ferez-vous pour eux, riches de la terre, égoïstes et couards ? Enfer et damnation ! Mais à quoi bon rugir et pleurer dans notre géhenne ?…

— Tout à l’heure, je m’en vais, Mimi. Sans doute tu ne me reverras plus, car bientôt, j’entre au sanatorium. Viens, que je te dise adieu… On ne sait pas ce qui arrive et dans ma situation, on ne saurait être optimiste.

Farouchement, nous nous sommes étreints. Sur le lit défait, elle palpite, désemparée. Alors, je l’ai serrée plus étroitement. Mes sens qui s’émeuvent m’inspirent des gestes audacieux. Faiblement, elle se débat.

— Mimi, sois à moi.

Humblement, j’implore. Elle s’est ressaisie et se relève,