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Aujourd’hui il est vide. Dans un coin s’empilent des chaises longues à bon marché et des boîtes de crachoirs en carton. L’infirmière s’enquiert du but de ma visite, but écrit apparemment clair sur mon visage amaigri où mes lèvres seules sont restées rouges. Elle est discrète, effacée. Elle doit être dévouée et brave. Une vraie petite sœur des pauvres.

Le docteur m’attendait, cheveux à la brosse, et nez busqué. Il m’a examiné en silence. Puis brusquement il a dit :

— Assieds-toi. Pour qu’un malade se soigne, il faut qu’il connaisse sa maladie… Connais-tu la tienne ?

— Non !

Ma mère debout près de la fenêtre avait pâli.

— Eh bien ! tu es atteint de tuberculose pulmonaire, à forme évolutive.

— Ah ! m’exclamai-je, sans trop de surprise. Alerté cependant, je le regardais sans douceur.

— Pourrai-je entrer au sanatorium ?

Et comme il se taisait, impassible, j’ajoutais bravement :

— … En payant ?

— Non, répliqua-t-il sèchement.

Si mal ! Je le toisais insolemment et rudement je demandais :

— Alors, pour combien de temps croyez-vous que j’en aie ? six mois ?…

Il haussa les épaules.

— Trois mois.

Nouveau haussement d’épaules.

— Un mois ?

Même geste.

— Quinze jours alors ? m’écriai-je.

Il ne répondit pas. J’écoutais dans le silence lourd de pensées et de menaces, mon cœur qui battait.