Page:Abgrall - Et moi aussi j ai eu vingt ans.djvu/151

Cette page a été validée par deux contributeurs.

plutôt la dextre en route quand la gauche retournait. Riwall aimait le « chufere ». Il ne le disait pas, mais il le prouvait. Il adorait le fars. Il n’avait nul besoin de le dire, on s’en apercevait. Ceux qui faisaient pitance commune avec lui s’en mordaient les pouces. À part Torr-Rëor qui était diligent et expéditif, les autres invités ne pouvaient mettre les bouchées doubles. Il s’en fallait de beaucoup, Riwall engloutissait les mets. On s’attendait à le voir éclater. Il ne s’arrêtait d’empiffrer que pour lever l’écuelle de cidre à hauteur raisonnable. Les servantes qui l’approvisionnaient, elles, n’étaient pas à la noce, c’est bien le cas de le dire. Nos deux compères avaient l’appétit insatiable. Je gage fort, s’il se trouvait dix douzaines de lurons pareils parmi les invités qu’il ne dut pas y avoir abondance de « restachou » et que les pauvres hères accourus par légions ne s’en pourléchèrent point les babines. Toujours est-il qu’enfin repu, Riwall déclara les tripes détestables et le fars franchement mauvais. Pourtant, de par sa panse pleine, il inclinait à l’indulgence. À la fin du repas, il daigna clamer de spirituelles « rimoustademou », des « diskouriou » fleuris, moins cependant que son plastron blanc où la sauce gluante avait tracé de luisantes guirlandes.

Juché sur un tonneau percé, rafistolé pour la circonstance, Riwall enfla son biniou. Il se sentait en force et pour cause ! Plus bas d’un étage, Torr-Rëor caressait sa bombarde. Et hardi les gars ! tro d’an dro ! La gavotte se forma. Du pied, Riwall battait la mesure, tandis qu’en cadence les talons ferrés claquaient sur le sol battu de l’aire. Hardi les gars ! C’est Riwall, le maître des sonneurs, qui vous conduit et jamais il n’a failli à sa réputation. Jamais danseurs ne lui tinrent tête. Oncques il ne fut à court d’haleine. Les joues rondes ne crient point grâce et ses doigts agiles ne se fatiguent pas.