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quelque aire neuve (al leur nevez). Craignant pour son bel ami la présence du « markis », elle refusa d’abord, puis céda. Jeunesse folle ! Les deux jeunes gens s’en allèrent à l’assemblée. Pried Kalvez revint seule, le sang généreux de Kloarek ayant rougi le sol fraîchement battu de l’aire. Pauvre Pried Kalvez ! écoutez-la donc rejetant fièrement les propositions du sanguinaire marquis. Écoutez-la, la mort dans l’âme, dire adieu à la vie, à l’âge où le cœur demande tant à vivre !


Ozet va gwele, ozet aes,
Rak va c’halon a zo diaes
O ye la-lan-la.
Rak va c’halon a zo diaes.


« Mère, faites mon lit, et faites-le doux à mon corps, car mon cœur est malheureux. » Malheureuse Pried Kalvez ! Le rouet reprenant sa chanson monotone fit écho à la « sôn » qui mourait infiniment douce entre les solives noircies de la salle basse. Alors, Naïk, la mignonne pen-herez aux cheveux d’or, éclata en sanglots…

Elle pleura, longtemps, longtemps, fort, très fort, comme il fait bon pleurer des larmes d’amour. Entre deux hoquets, elle conta son « amitié » pour un beau garçon du voisinage qu’elle aimait sans espoir, car il était l’aîné d’une nombreuse famille de pauvres gens. Une riche héritière n’épouse point le premier galvaudeux errant dans l’Arré ! Mais Mac’harit adorait sa fille et, de cœur indulgent, elle permit les fiançailles de celle-ci et de Kaou-Bihan, le plus heureux mortel de Haute-Cornouaille.

Là-dessus, pour que les noces fussent dignes de la fille aux cheveux d’or, on alla quérir pour la cérémonie Riwall, le maître des sonneurs.