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où régnait l’inconnu, Iann, le grand Iann, Iann Vraz de Kerbarguen s’arrêta, les jambes fléchissantes. La gorge serrée, il n’en pouvait plus. Désespéré, meurtri, il se laissa tomber dans la neige qui crissa sous lui. Les flocons ironiques vinrent lui caresser le visage et le vent espiègle se mit à jouer dans ses cheveux. Et Iann, le grand Iann, Iann Vraz de Kerbarguen, la tête dans ses mains, se mit à pleurer.

Amèrement il se reprocha ses imprudentes paroles de la Caserne et flétrissant son attitude d’ivrogne, il demanda pardon à Jésus-Enfant de l’affront qu’il lui avait fait en méprisant son « Pelgent ». Ah ! Dieu était juste et terrible et voilà que lui, Iann, le grand Iann, Iann Vraz de Kerbarguen allait avoir la mort affreuse au « Pelgent ». Saint Milliau et saint Moelan, intercédez pour le pécheur auprès du Tout-Puissant !…

Soudain, abolissant sa détresse, éclata, triomphal, le carillon des cloches de minuit.

— Ar Pelgent ! murmura Iann. À genoux, il se mit à prier. À toute volée, l’hymne d’allégresse s’élevait vers les cieux. De toute son âme, Iann, recueilli, écoutait. « Celles-ci, dit-il, les cloches de La Feuillée, celles-là, celles de Commana, voilà aussi celles de Plounéour. » L’oreille tendue, ragaillardi, il les reconnaissait toutes, les cloches bénies, les cloches ravies, chantant la naissance du Christ. Graves, sonores, vibrantes, chacune de toute la force de son airain, clamait la joie et l’espoir du monde, l’espoir qui fait exulter le cœur des hommes et qui ranime la foi des peuples, l’espoir qui engendre des miracles et qui guide les foules vers l’idéal. Et Iann, se relevant, avait redressé sa haute taille.

— La Feuillée ici. Commana là. Je suis donc au Roc’h Vechek. Un tintement argentin, discret, radieux, pimpant, semblait monter d’un ravin. Ah ! celle-là, il la reconnais-