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Et moi aussi, j’ai eu vingt ans !

Infirmerie ; Frappez, s. v. p. !


En descendant de la camionnette aux essieux criards qui rappellent étrangement le Char de l’Ankou, je me revois tout étourdi.

La ville, dans la brume dense et chargée des embruns de janvier, vit intensément. Un instant, je me demande si je ne vais pas trébucher. J’ai la tête vide et, devant la laideur des rues, dans le vacarme du carrefour grouillant, je me sens une grosse envie de pleurer. Comme la vie peut paraître banale et triste à dix-sept ans ! alors qu’on s’y trouve seul avec déjà aux épaules le poids s’alourdissant du désenchantement ! Heureuses les familles que n’ont pas éprouvé le vent mortel des malheurs !

Et pourtant à cette vie, j’allais me cramponner avec désespoir, éperdument, de toute ma jeunesse vibrante…

— Kénavo !

La voix joviale du conducteur m’a brutalement rendu à la réalité. D’un geste brusque j’ai ramené ma pèlerine bleue sur mes épaules endolories.

— Kénavo !

Une large poignée de main m’a secoué fortement le bras, une de ces franches étreintes qui vous incrustent les doigts les uns dans les autres et qui semblent, par le contact d’un épiderme chaleureux, vous insuffler de la vie. Fiévreuse-