laisse pas marcher sur le pied de son patron. Sacré Krav-Rëor ! s’attendrit-il. (Cette locution métaphorique résumait patronymiquement l’état civil du farouche bidet.)
Mgr l’évêque de Kemper, Kerne et autres lieux, avait chaleureusement recommandé à son subordonné immédiat ar vikaël vraz de concentrer une attention toute spéciale sur le desservant de La Feuillée.
Sa Grandeur, du fait que cet homme avait déjà décliné, sous divers prétextes, la participation à la retraite épiscopale, était portée à la méfiance. Elle suspectait le berger de l’Arrée d’entretenir sous cape quelque penchant vers l’hérésie. On ne sait jamais, les mouvements réformistes, non conformistes et autres étaient partis d’une mauvaise tête, d’un être simple… et ce diable de prêtre avait mauvaise mine, c’est-à-dire qu’il n’avait pas du tout l’empreinte sacerdotale. Le vicaire général avait donc la charge de surveiller Samm-laou, capable de porter atteinte aux dogmes les plus sacrés et à l’inviolabilité de l’Église catholique, apostolique et romaine. Tout écart de conduite, toute liberté de parole devaient être réprimés vigoureusement.
Bien que la question de préséance fut délicate, il se trouva que Person ar Fouille fut chargé de mener l’affaire, c’est-à-dire les opérations religieuses de cette mémorable retraite. Il le fit, à son honneur, avec un zèle qui lui gagna Monseigneur lui-même. Jamais la cathédrale n’avait ouï pareil chanteur et au plus fort de cette liesse ecclésiastique, la voix de Samm-laou semblait une trompette du jugement dernier. Les bourgeois et la noblesse de Kemper en béaient d’admiration. Ah ! ce Samm-laou ! les yeux fermés, il rugissait, il bêlait, il mugissait. Cela vous imitait le tonnerre de Brest à s’y méprendre. Et quand le chantre s’arrêtait épuisé, ruisselant de sueur, extasié, béatifié, il avait une folle envie de se taper la coulpe et de leur crier à ces hobereaux, à cette prêtraille, à Sa Grandeur elle-même :