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Il faut vous dire que depuis sa chute dans les escaliers de Saint-Herbot dont il gardait à juste titre quelques cuisants souvenirs, Samm-laou s’était sérieusement amendé. La force fait loi. Le métier de klasker-boued était devenu pour le luron quasi-impossible. Victime de son astuce, dans l’accident par lui occasionné dans sa vengeance, le compère s’était cassé le nez. Cette nouvelle infirmité lui porta malchance. Il eut beau simuler, tour à tour ou simultanément diverses tares et afflictions corporelles, la pitié chrétienne se détournait de lui. La charité lui riait au nez, ce nez cocasse qui n’inspirait dorénavant que les quolibets et les facéties. C’était à se cogner la tête contre les murs. Mais Samm-laou jugeait avec raison que son vénérable chef méritait meilleur sort et pour le lui ménager tel, il résolut de changer le sien propre.

À l’encontre de l’opinion publique, en dépit de tout bon sens, Samm-laou se débarrassa en un clin d’œil, sinon de son joli surnom du moins de ses mauvaises habitudes et de ses loques. Au bout de six mois, c’était le plus consommé et le plus ponctuel des sacristains. À vrai dire il lui arriva par-ci, par-là, de se singulariser par quelques peccadilles, de boire le vin des calices et celui du presbytère. Il advint aussi que dans ces moments de gaieté circonstanciée, il se trompa, qu’il sonna l’Angelus au lieu du glas et le carillon aux enterrements.

Mais, par contre, que de services rendus, que d’initiative et d’entrain ! Samm-laou vous chantait ces harmonies liturgiques avec un cran qui laissait le bon recteur tout coi devant son autel. Il connaissait le rituel sur le bout des doigts et l’office comme pas un. Bref, avec la tonsure et l’habit religieux, Samm-laou eut pu prendre honorablement la place de n’importe quel desservant. Il n’aurait pas enfreint les règles sacrées du sacerdoce, tant et si bien que lui-même, en dépit de son nez cassé et de fâcheuses rémi-