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celui-ci eut un geste qui le sauva : il fit le signe de croix ; il le refit même à plusieurs reprises.

Ah ! Messieurs ! Si vous aviez vu ce spectacle ! Depuis le plus minuscule des diablotins jusqu’au grand prévôt lui-même, tous se mirent à trembler. Puis ils crièrent de rage, en proie à une indignation effroyable. La porte de ces lieux, poussée par une puissance invisible, s’ouvrit et une voix glapit :

An estranjour e maez
(L’étranger dehors !)



Yann fut violemment projeté au loin, dans la nuit froide. Dans la lande, une voix ironique chantait :

Hasta buan, Yann-ar-Feiz
Kerz a lesse-ta, d’ha neiz.
Ar gwin-ardant a zo mad
Evet peuz spenn eul lonkad !

Hâte-toi, Yann-ar-Feiz,
Va-t-en vite au nid.
L’eau-de-vie est bonne.
Tu en as bu plus d’une goulée.



De mauvaises langues assurent que Yann-ar-Feiz s’étant saoulé plus que d’habitude, avait passé la nuit dans le taillis. D’autres croient, ferme comme roc, que notre héros fut bien victime de quelque machination diabolique. Quant à moi, craignant de me fourvoyer, je reste dans l’expectative.

En remerciement et en souvenir de sa délivrance inespérée, Jean-la-Foi offrit à notre vénéré patron, Saint Eutrope, d’admirables plats en faïence de Locmaria-Quimper. On pouvait les voir encore, il n’y a pas bien longtemps, dans l’église de Botmeur[1].


  1. Fait rigoureusement exact.