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Mari Bierez ha Yann-ar-Feiz,

E oa o daou er memes neiz.
(Marie Bierez et Jean-la-Foi

Étaient tous deux dans même nid.)



Et les danseurs, battant la mesure, martelaient les orteils du pauvre homme. La gavotte cessa enfin et il vit… Oh ! mon Dieu ! Ce qu’il vit alors le remplit d’épouvante et d’horreur ! D’abord, des diables à n’en plus finir, des diablotins, des diablotines. An diaoul pikouz (le diable aux yeux chassieux), An diaoul kam (le diable boiteux) et tous les diables de la création. Et puis, et puis, dans un océan de flammes, des êtres démoniaques se démenaient, hurlant leur détresse et leur désespoir. Des fantômes lubriques se livraient à des excentricités. Des juifs en calotte noire, des livres de banque collés au dos, en compagnie d’anciennes cocottes, s’adonnaient à des orgies fantastiques. Des spadassins galonnés, couverts d’or et d’ordures, dansaient le tango ou quelque chose de similaire, tandis qu’un vieil usurier les accompagnait en frappant l’un contre l’autre deux écus flamboyants. Enfin, il y avait là toute la fange, tous les détritus de ceux qui avaient été des puissants et des forts, des bandits respectés et des assassins honorés.

Yann-ar-Feiz regardait, cherchant…

… Du petit peuple, il n’y en avait guère. Guère de menu fretin. Rien que de la haute racaille, la canaille huppée. Quand même, dans le nombre des damnés, il reconnut son propre beau-frère, mais de cela, il ne s’étonna pas, car celui-là avait été fort méchant homme. Il aperçut aussi son voisin et ami Fanch-ar-Peul, décédé depuis peu et ceci le chagrina beaucoup, et lui donna par la suite à réfléchir.

Toute cette tourbe déchirante criait sa haine, bavait, appelait, tendait des bras avides vers Yann. Désespéré,