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d’insectes et d’abeilles. Tout semble danser dans la lumière et les tourbières se plongent dans une grande torpeur.

Le soir, autour des feux, assis en rond, les pâtres écoutent avec ravissement les vieilles bergères conter leurs souvenirs en filant leur quenouille, et, dans le ciel bleu, les étoiles intéressées, sourient. Il n’y a rien de plus reposant que ces veillées d’été dans le calme et l’oubli. Autrefois aussi, je vagabondais avec les pastoureaux mes amis. Que de fois, en leur compagnie, ai-je batifolé et dansé sur la vase mouvante, couverte de mousses et de lichens, de Lenn-ar-Youdic ! On dansait, se prenant par la main, en frémissant de peur. C’était une peur délicieuse qui me tenait les jambes raides et la gorge sèche, quand un bruit insolite arrêtait notre ronde.

Rititiri, me Gathel, me meuz bet eun aotrou,
Me meuz bet eur pillawer, dic’haol braz e vragou.


Nous nous attendions à voir surgir entre les maigres saules la tête hirsute de quelque barbet ou la face diabolique d’un réprouvé. Mais c’était toujours fausse alerte, le cri de quelque loutre dérangée dans ses ébats ou le bruissement fait par un canard retardataire parmi les nénuphars.

Et c’étaient, j’en garde le souvenir tenace, des mollets grillés au soleil, et des retours craintifs dans la nuit tiède. Nous allions, dès l’enfance et même dans nos jeux, sensibles aux superstitions et aux croyances, depuis des siècles et pour longtemps encore, l’apanage de nos populations d’Arvor et de l’Arré.