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de soleil vient caresser ma blanche main. Du soleil ! du soleil !

Le temps passant, indifférent, nous courbe les épaules et sur chacun il s’appesantit. En tremblant, j’ai déchiré l’enveloppe armoriée que j’ai reconnue avec émoi.

« Fanfan, au nom de notre amour, de cet amour que j’ai bafoué, pardonne ! Pardonne-moi mon erreur, l’odieuse attitude d’une minute d’affolement. Que veux-tu, j’étais folle. J’avais trop peur, après ce que tu sais… Je me suis crue condamnée aussi. Ce sang… alors…, alors… Pardonne moi, Fanfan, mon petit Fanfan. Je ne vis plus. Réponds-moi vite. Pourquoi ne réponds-tu pas à mes lettres. Serais-tu plus mal ? Pardonne-moi ! Tu ne peux pas comprendre ! »

Si ! ma Jeanne adorée, je comprends ! et je me bats la coulpe. Te pardonner ? mais c’est moi qui t’implore à deux genoux. Pardonne-moi, femme, de n’avoir pas été un homme et d’avoir sacrifié à l’amour, à l’amour qui m’est défendu !…

J’ai su que Jeanne avait d’urgence appelé un spécialiste. Comme conclusion à son examen il avait déclaré que le sang craché ne provenait point des poumons très sains et très vigoureux mais d’une lésion occasionnée par une rupture de quelque tissu dans l’arrière-gorge. Rassurée, mon amie m’écrivit de longues lettres éplorées, pleines d’amour et de repentir… De quoi s’accusait-elle ? d’avoir été lâche devant la mort ? d’avoir oublié son amour ? trahi ses serments ? Pauvre petite, comme si des serments tenaient devant Elle, comme si l’Amour défendait ses droits au dernier moment ?…

Juillet ondulant les blés d’or a ramené Jeanne de Kergar au berceau de ses ancêtres.

Nous avons passé deux mois de liesse, des vacances éclatant de rires et de bonheur. Mais je sens que des nuages