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À corps perdu, je me suis lancé dans mon nouvel amour. J’en ai eu d’autres, d’aussi entiers, d’aussi sincères. J’en ai souffert. Si celui-ci me fait encore pâtir, tant pis ! puisque ce n’est que par l’amour qu’on peut guérir de l’amour. La tendresse ineffable d’un cœur de femme, la douceur des bras de l’aimée ne sont que la juste et peut-être l’unique compensation de l’étroitesse mesquine de la fade réalité.

Jeanne, ma petite Jeanne, ma grande amie, aime-moi bien ! Aime-moi bien ! Ton amour c’est la rançon de toutes mes souffrances, le tribut à ma douleur. Ton corps enfin, c’est mon rêve et tes baisers m’insufflent la flamme sacrée…

Il me semble que je ne me lasserai jamais d’étreintes charnelles ou idylliques, poésie des corps extasiés, communiant dans un besoin de tendresse infinie. Et quand les cœurs palpitent d’un émoi d’artiste, les âmes troublées balbutient le secret indicible qui voile l’idéal.

Ici, je me permets une petite digression. De doctes esprits, des savants ambigus, des médecins forcenés ont prétendu que les phtisiques étaient, au sens charnel, plus exigeants que les autres. Paradoxe sexuel d’une atroce ironie ! Formidable antithèse et sarcasme révoltant ! Comment des corps estropiés, diminués, physiologiquement détraqués pourraient-ils avoir les mêmes exigences que les corps sains ? Il n’y a pas « d’embrasement » qui puisse ranimer des flammes éteintes dans un foyer au combustible avarié.

Sans doute, l’erreur provient de ce que les « embrasés », pour la plupart victimes de leurs exagérations corporelles, deviennent poitrinaires et qu’ils gardent jusqu’à bout de souffle et de force, la tradition, devenue cérébrale, de leurs habitudes sexuelles.

Tous les jours, je vois Jeanne, ma grande amie au nom berceur de tendresse et nous faisons les plus inavouables