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« Ne bougez pas, mes enfants… Vous allez voir çà… et ne perdez pas des yeux ce point du fleuve où l’eau tournoie sur un bas-fond ! »

Gonflés par les crues de l’hiver, les flots du Niémen, roulaient leurs vagues furieuses. Sans sourciller la batelière embarqua les Prussiens. Debout, à l’avant du bateau, la perche en mains, elle se lança dans le tourbillon.

« Tenez-vous bien, conseilla-t-elle. L’eau est forte »

La barque dérivait sur un rocher où le flot écumait. Les Allemands s’inquiétaient. « Va donc droit à la maison commanda le sous-officier, tu vas nous faire casser la tête. » Rieuse elle tourna la tête : « Des soldats qui ont peur ! Ne craignez donc rien. Le Niémen, ça me connaît. » Ah ! comme elle semblait, en effet, lutter vigoureusement contre le fleuve, louvoyer avec adresse, dans cette course vertigineuse et traîtresse.

Tenez, cria-t-elle, nous y voilà.

D’un bond, abandonnant la perche elle s’est jetée dans le Niémen. Tournoyant sur lui-même, le bateau dérive au courant. Une roche, un craquement, puis plus rien… qu’une barque, la quille en l’air sur le fleuve indifférent et là-bas, sortant de l’eau, à mi-corps sur un bas-fond une femme immobile qui a défendu son pays et sauvé des soldats de sa race. »

Viennent, à l’automne de 1914 et à l’hiver de 1914-15 la première campagne de Pologne et la marche sur la Hongrie. Les héroïnes sont nombreuses. Voici deux jeunes époux : le mari étudiant, la femme munie d’un diplôme d’infirmière. Quand celui-ci est appelé, celle-là