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mand, je ne suis pas venu ici pour sauver du monde, je suis venu pour en tuer.

L’uniforme est un petit chasseur blessé à la cuisse. Le lieutenant von Lœbenstein est exaspéré. « Nous le fusillerons à Bucy », déclare-t-il.

Mais un kilomètre plus loin, l’automobile s’arrête, d’elle-même cette fois. C’est une panne d’essence.

— Il n’y a plus d’essence, mademoiselle, dit von Lœbenstein, cherchez-en.

— Volontiers, si vous m’accordez la grâce du petit chasseur.

Mlle Canton-Bacara discute, parlemente. L’essence est bientôt trouvée, et le petit chasseur est sauvé. Le lieutenant, que l’audacieuse énergie de cette jeune femme étonne et amuse, s’adoucit. L’infirmière en profite.

— J’ai autre chose à vous demander.

— Quoi encore ?

— Le civil… vous savez… le civil blessé de tout à l’heure je n’y ai pas renoncé. Envoyez-le relever par vos hommes et faites-le porter à l’hôpital. Ce sera une bonne action. Vous n’en faites peut-être pas tous les jours. Profitez de l’occasion. »

L’éclaireur de la garde en profita.

À quatre heures du matin, Mlle Canton-Bacara était remise en liberté. Elle fut reconduite à Vauxbuin par deux soldats baïonnette au canon. Les Allemands ont toutes les attentions. En arrivant à l’ambulance, elle songea tout à coup :

— Oh ! mon Dieu ! et moi qui étais partie hier pour réquisitionner des vivres et qui reviens les mains vides ? Quelle maladroite je fais ! Et ces pauvres gens qui ne vont pas avoir de quoi manger. Il faut que j’aille bien vite à Soissons.

Et à huit heures du matin, Mlle Canton-Bacara repartait pour Soissons [1].

Du 1er au 12 septembre. Vauxbuin est occupé, l’ambulance réquisitionnée par les autorités allemandes qui laissent du reste à Mlle Canton-Bacara la direction de

  1. Robert de Lezeau : l’Ambulance sous le feu. Le Figaro, 10 et 17 janvier 1915.