Page:Abensour - Le Féminisme sous le règne de Louis-Philippe et en 1848, 1913.djvu/352

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

littéraire ou l’importance sociale sont aujourd’hui féministes, et il en allait tout autrement à l’époque qui nous intéresse.

Enfin ceux qui dirigent le mouvement, à l’une et l’autre époque, se distinguent de nos modernes apôtres par une absence complète de sens pratique. Aucun d’entre eux ne se rend nettement compte des possibilités du moment. Tous et toutes, les saint-simoniens, Eugénie Niboyet, Olinde Rodrigues, Cabet, Jeanne Deroin et jusqu’à Mme de Mauchamp, malgré la sécheresse et la rigueur volontaire de ses écrits, marchent comme hallucinés vers leur but lointain, sans voir les rudes obstacles qui les en séparent. Une seule, George Sand, comprit que le triomphe complet du féminisme n’était pas possible à son époque et qu’avant de faire des femmes les égales politiques de l’homme, il fallait en faire les égales intellectuelles[1]. Et cette

  1. Telle est l’idée qui se dégage des Lettres à Marie. Et cet ouvrage ne prouve pas, comme l’ont avancé quelques écrivains (Doumic, Conférences sur George Sand), que l’auteur de Lélia est devenue une adversaire du féminisme, mais bien qu’elle juge impossible à son époque le féminisme intégral.