Il en est ainsi pour celles qui enseignent à la bourgeoisie, à plus forte raison pour celles qui enseignent aux filles du peuple.
D’ailleurs, on manque de locaux pour établir l’école de filles ; à la campagne, les bâtiments sont souvent réduits à une pièce et parfois à une partie de la pièce où se tiennent les garçons. On manque d’argent ; l’État ne subventionne pas les écoles primaires, les Conseils de ville pourvoient, quelquefois mais maigrement, à l’entretien des écoles ; il arrive que l’école des filles disparaisse, faute d’argent, après s’être soutenue tant bien que mal par les secours du curé ou le dévouement des maîtresses qui ont continué tant qu’elles ont pu de donner bénévolement leur enseignement. Manque de maîtresses, insuffisance des locaux, maigreur ou absence des budgets de l’enseignement féminin, tout cela explique suffisamment la pratique de l’enseignement mixte qui, malgré tous les efforts du clergé pour le combattre, se perpétue jusqu’à la Révolution. Cette pratique entraîne, au point de vue de la morale, de très graves inconvénients et elle est bien considérée comme un fléau des campagnes. Certains évêques en tournée dans leur diocèse se félicitent de voir une localité ne pas avoir d’écoles, jugeant qu’ainsi il n’y a nul danger d’enseignement mixte.
Enfin, le préjugé populaire est nettement hostile à l’enseignement primaire en général et à l’enseignement primaire des filles en particulier. Les maîtres et maîtresses sont en butte à toutes les suspicions, parfois aux dénonciations calomnieuses. Dans les campagnes surtout, sinon dans les grandes villes, l’opinion est donc très défavorable. L’enseignement féminin est inférieur, sinon par sa généralité, du moins par son extension et sa diffusion, à l’enseignement masculin. Les progrès sont, au cours du xviiie siècle, beaucoup moins rapides.
Il y a un progrès cependant, plus ou moins accentué suivant les régions et, en moyenne, l’instruction primaire féminine est plus développée à la fin du siècle qu’au début.
D’une manière générale, on pourrait avancer que l’instruction féminine, si on l’envisage dans son ensemble, n’est guère inférieure au xviiie siècle à ce qu’elle sera au xixe avant que les réformes de Guizot, de Duruy et de Jules Ferry ne fassent sentir leurs heureux effets et que les nécessités économiques ne forcent les femmes à mieux s’armer pour la lutte : dans la haute société et la bourgeoisie, un enseignement tout mondain, dont seule l’intelligence individuelle fait, parfois, la base d’une culture vraiment supérieure ; dans la bourgeoisie, un vernis de littérature et d’arts d’agréments ; dans le peuple, enfin, une instruction primaire squelettique, dis-