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Avant tout, elle les instruit sur leurs devoirs et tâche de leur former un caractère qui réponde à son idéal féminin. Quel est cet idéal ? Une femme raisonnable, modeste, qui « évite de prendre la première place », discrète surtout — la discrétion est l’une des qualités essentielles de la femme, celle sur la nécessité de laquelle, Mme  de Maintenon revient le plus — et qui parlant peu de soi, « sachant écouter les autres », évitant de rire immodérément, ne se pressant pas de faire parade de ce qu’elle vient d’apprendre, sachant fidèlement garder un secret, passerait dans la vie silencieuse, douce, fermée et un peu énigmatique.

L’humilité chrétienne doit donner à ces qualités toute leur valeur. À plusieurs reprises Mme  de Maintenon dut y plier[1] d’orgueilleuses et indociles élèves.

Se connaître soi-même, être maîtresse de ses passions, tels sont les deux articles essentiels du plan d’éducation morale : ils pourraient à la rigueur convenir aux hommes et sans doute, en effet, Mme  de Maintenon, tout en proclamant l’infériorité du sexe, est-elle convaincue de l’identité de l’esprit humain. Nul ascétisme d’ailleurs, la raison et la maîtrise de soi n’excluent pas la joie de vivre qui est encore un hommage rendu au créateur.

Les programmes d’enseignement furent délibérément tournés par Mme  de Maintenon vers les connaissances pratiques : toutes les élèves durent, à tour de rôle, s’exercer aux soins du ménage : nous les voyons sous la direction d’une sœur balayer les salles, faire leurs chambres, occupées au service de la lingerie et à une grande variété de travaux manuels, tels la braderie, la couture, la tapisserie.

Dans les classes, que Mme  de Maintenon a voulues attrayantes avec leur décoration, rouge, verte, jaune ou bleue, selon les divisions, leurs six tables disposées en croissant et leurs cartes de géographie attachées par des rubans de couleur assortie à la décoration, les programmes sont variés suivant l’âge des pensionnaires. Les plus jeunes, classe rouge, apprennent à lire, à écrire, à compter, étudient la grammaire, le catéchisme et l’histoire sainte. La classe verte, où prennent place des élèves de douze à quatorze ans, est consacrée à la musique, à l’histoire et à la géographie, à la mythologie. Les jaunes (quatorze à seize ans) commencent l’étude du français, approfondissent la culture musicale, complètent leur instruction religieuse et s’initient au menuet et à la pavane.

  1. L’une de celles-ci, jeune fille noble, refusant d’obéir à une sœur roturière qui lui commandait le balayage d’une salle, Mme  de Maintenon la gourmanda avec sévérité et l’obligea au travail dédaigné.