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n’appartiennent pleinement ni aux femmes mariées, ni aux femmes séparées. Comme l’a stipulé l’ordonnance de 1399, la femme peut être appelée à témoigner devant les tribunaux civils et criminels et être entendue dans les enquêtes ou informations. « C’est, déclare un jurisconsulte, une erreur de dire que les témoignages de deux femmes valent celui d’un homme… Aucune loi ne donne plus de poids au témoignage masculin qu’au témoignage féminin[1]. » Mais elles ne peuvent être témoin dans un testament ni dans tout autre acte de l’état-civil. D’ailleurs, cette exclusion, consacrée par le Code Napoléon, a persisté jusqu’au début du xxe siècle.

Pour la condition personnelle de la femme, elle varie avec celle du père ou du mari. Est noble non seulement la fille issue de famille noble, mais l’épouse d’un homme noble ou anobli. Elle participe à tous ses privilèges et à tous ses honneurs. Une femme mainmortable qui épouse un homme libre est par là-même affranchie. Mais d’autre part, la femme noble qui épouse un roturier perd les privilèges de sa classe et une femme franche « qui se marie avec un mainmortable » devient par là-même mainmortable[2].

Suivant les ordres auxquels, de par leur naissance ou leur mariage, elles appartiennent, les femmes sont astreintes à contribuer, comme les hommes, aux charges de l’État, mais pas tout à fait dans la même mesure,

« Les femmes ne sont exemptes ni des impôts ni des corvées ou autres charges, soit réelles, soit personnelles. » Et chose curieuse, la corvée féminine est évaluée plus cher que la corvée masculine : 16 deniers dans la coutume de Troyes au lieu de 12 deniers pour les hommes[3].

La cote d’industrie d’une veuve, au contraire, est estimée d’un tiers de la cote d’industrie des hommes mariés alors que celle des veufs est estimée aux deux tiers[4]. D’ailleurs, les femmes veuves ne sont pas seules à être inscrites aux rôles de l’impôt. Les femmes mariées sont taxées personnellement en leur nom aux rôles des paroisses, soit qu’elles fassent valoir leurs biens, soit qu’elles les donnent à ferme. Il en est de même pour les exploitations commerciales, qu’il s’agisse d’établissement tenus personnellement ou confiés à des commis[5].

  1. Dictionnaire de jurisprudence.
  2. Encyclopédie : art. Femme.
  3. Archives départementales de l’Aube : Introduction par d’Arbois de Jubainville.
  4. Ibid.
  5. La Poix de Fréminville. Traité du gouvernement des paroisses.