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pour la femme en puissance de mari plus rigoureuse encore. En Corse, les femmes n’avaient le droit de s’obliger que jusqu’à concurrence de 12 livres. Au delà de cette somme, il leur était nécessaire d’obtenir le consentement de leur mari, de leur père ou de leur parent le plus proche, assisté de trois autres personnes sous l’autorité du magistrat[1].

À ce principe de l’autorisation maritale, en dehors même de la libre disposition de ses paraphernaux reconnue à la femme dans les pays de droit écrit, l’Auvergne, la Marche, la Normandie, plusieurs exceptions encore dérogent.

Il est admis que la femme, titulaire personnellement d’une pension, la puisse toucher sans autorisation de son mari comme le mineur le peut faire sans autorisation de son tuteur, le religieux ou la religieuse sans autorisation de ses supérieurs. Une ordonnance, du mois d’août 1779, confirme formellement les femmes mariées dans ce privilège et les affranchit ainsi que toutes les personnes du même état qui pourraient obtenir à l’avenir des grâces partielles, de l’obligation de se faire autoriser de leurs maris dans les quittances qu’elles donneraient elles-mêmes ou dans les procurations qu’elles passeraient à l’effet de les recevoir, dérogeant expressément en leur faveur aux lois et coutumes du royaume auxquelles les dites personnes demeurent assujetties pour ce qui ne concerne pas leurs pensions » [2].

Autre exception, celle-là bien plus importante et plus remarquable : la femme, marchande publique.

Celle-ci peut faire tous les contrats qui dépendent de son commerce, vente et achat de marchandises, d’ustensiles, louage d’ouvriers et d’ouvrières, lettres de change.

Non seulement ces opérations sont valables sans autorisation du mari, mais elles engagent la communauté.

Marchande publique, la femme peut ester en justice et engager seule toute action. « L’utilité du commerce et la nécessité ont fait dispenser la femme de l’autorisation maritale » [3].

Cette disposition est universelle, les pays de droit coutumier l’appliquent comme ceux de droit écrit. Et il y a là, venu d’ailleurs du moyen-âge, un commencement d’égalité légale des deux sexes.

Ces conceptions mises à part, le grand principe couramment appliqué est que la femme en puissance de mari ne saurait faire

  1. Dictionnaire de jurisprudence. Art. : Corse.
  2. Isambert. Anciennes lois.
  3. Pothier. Loc. cit.