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CONCLUSION


L’activité féminine au xviiie siècle doit donc sortir du domaine de l’anecdote ou de la chronique scandaleuse où on a eu, jusqu’ici, l’habitude de la reléguer, pour entrer dans la grande histoire. Elle est, nous croyons l’avoir déjà montré au cours de cette étude, l’un des aspects les plus caractéristiques de l’époque, un élément essentiel de la vie de la France.

Sans doute la religion et la loi, fortifiées d’ailleurs par le préjugé populaire, semblent la contenir dans des bornes restreintes. Légalement, la femme est une éternelle mineure. Elle n’est maîtresse ni de son corps, ni de ses biens, et toujours son droit s’éclipse devant le droit éminent de l’homme, père, frère, ou mari, ou devant le droit de la société représentée par le juge masculin.

Nul sujet du roi, certes, qui jouisse pleinement de sa liberté individuelle. Mais, à ce point de vue même, l’inégalité des sexes est flagrante. La femme est soumise à mille vexations, mille tracasseries dont l’homme est exempt. Préoccupée de sauvegarder l’unité de la famille, d’éviter l’affaiblissement de la race, ou seulement de maintenir la morale traditionnelle, la loi soumet la vie intime de la femme, mariée, veuve ou fille, à la plus stricte surveillance, et ces écarts de conduite que l’homme peut, à peu près impunément, se permettre, elle les lui fait payer des châtiments les plus durs : confiscation des biens, emprisonnement, peine capitale.

Légalement, donc, la femme n’est rien, et les jurisconsultes semblent ne l’avoir jamais considérée comme un individu et bénéficiant comme telle des droits, mais l’un des éléments de la cellule sociale, la famille, et seulement astreinte à des devoirs. Partant du même point de vue, ou presque, les éducateurs officiels ont négligé d’organiser l’enseignement féminin. Nul établissement où les femmes puissent acquérir les connaissances générales où professionnelles qui, plus ou moins largement dispensées aux hommes, leur permettent de développer leurs aptitudes naturelles et de les utiliser dans l’intérêt général de la société et pour leur profit particulier.

C’est qu’à ce point de vue encore, la femme n’est pas considérée