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S’il faut en croire la Motion en faveur du beau sexe, ce ne sont pas seulement les travaux de l’aiguille et l’exercice lucratif des arts d’agrément qui doivent être réservés aux femmes, mais tous les emplois de bureau. Les innombrables postes qu’y tiennent les hommes devraient être réservés aux filles sans dot qui, pouvant gagner leur vie, ne seraient pas contraintes à des mariages déplaisants, à la débauche, ou à une vie religieuse qu’elles embrassent sans vocation.

Un an plus tard, Mary Woolstonevraft, leader du féminisme anglais, reprendra avec plus de développement la même idée et adjurera le gouvernement de son pays de trouver un gagne-pain aux jeunes filles pauvres.

Se plaçant, elle, à un point de vue tout spécial, — elle est orfèvre, nous voulons dire auteur dramatique, et auteur dramatique dans l’impossibilité de se faire représenter, — Olympe de Gouges demande que l’on facilite aux femmes l’accès de la carrière théâtrale. Son projet de création d’un second Théâtre Français est chimérique mais assez original. Une souscription publique et l’appui de l’État permettraient d’édifier un conservatoire, où les jeunes filles s’initieraient à l’art dramatique, et un théâtre exclusivement féminin où ne seraient représentées que les pièces dues aux autoresses et, au cas où la fécondité de celles-ci serait insuffisante, aux « jeunes » des deux sexes. Le nouveau Théâtre Français serait soumis à une discipline assez serrée pour que l’injuste préjugé relatif aux mœurs légères des actrices s’évanouît de lui-même. Et au bout de dix années de service, les artistes encore jeunes recevraient 40 000 livres pour s’établir honnêtement[1].

Ainsi, dès 1789, un grand nombre de professions étaient revendiquées pour les femmes. Il est à remarquer cependant que presque toutes nos féministes ne font que réclamer pour elles un accès plus large et plus facile aux métiers et professions qui leur sont ouverts déjà et que presque nulle d’entre elles ne songe à revendiquer, comme on le fera plus tard, l’exercice des professions libérales. Seule, la Requête des dames à l’Assemblée nationale demande l’admission des femmes à tous les offices de la magistrature, à tous les emplois civils, militaires et religieux. C’est que ceux-ci intéres-

    touche passablement le clavecin, je donnerai les leçons aux jeunes demoiselles. — Seuls les hommes peuvent donner des leçons. — Eh ! bien, repris-je impatientée ! les hommes l’ont donc ce que les femmes feraient beaucoup mieux à leur place ! »

    (Motion de la pauvre Javotte).

  1. Le bonheur primitif de l’homme. Paris, 1788.