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elle »[1]. Elle envisage donc la femme avocat, magistrat. Les emplois ecclésiastiques, la culture et l’enseignement des lettres et des sciences ne lui paraissent pas supérieures au génie féminin. Mieux, avec un évident esprit de paradoxe, elle déclare que la femme est éminemment faite pour les emplois militaires, « qu’elle préfère à tous les autres » et où elle devrait acquérir distinction, gloire et fortune, n’était la mauvaise volonté du gouvernement qui « a établi pour elle une éducation si faible et si mauvaise, qu’en lui laissant le désir de partager la gloire des défenseurs de l’État, elle lui a ôté la force et la liberté de concourir elle-même à ce partage »[2].

Comme Mme de Puisieulx et Mme de Coicy, Mlle Archambault qui, dans le Mercure de France, a fait, dès 1734, un véritable manifeste féministe, déclare la femme capable de tous les emplois civils et militaires. Elle le prouve et par l’histoire et par la préhistoire. Déjà, comme les féministes du xxe siècle, elle montre la société primitive civilisée par les femmes dont le génie inventif créa les arts et les métiers utiles ; ce que la femme a pu faire dans une époque de barbarie, rien n’empêcherait qu’elle le refit aujourd’hui[3]. Quant au Père Caffiaux, il n’est dans toute cette partie de son plaidoyer qu’un plagiaire, d’ailleurs fier de l’être, de Poulain. N’allons pas, cependant, comparer Mme de Coicy, Mme de Puisieulx, Mlle Archambault aux féministes de notre époque ou à celles de 1880, menant une campagne pour l’accès des femmes à toutes les professions, faisant des démarches pour convaincre l’opinion, agissant auprès des pouvoirs publics. Non, si hardies que soient leurs idées, elles revêtent toujours une forme académique et il semble que ces féministes du xviiie siècle aient été plus éloignées que Christine de Pisan elle-même, d’envisager une solution pratique à leurs suggestions. Soit convaincues de l’impossibilité présente d’aboutir, soit effrayées de leur hardiesse, soit plutôt qu’elles n’aient considéré leurs plaidoyers que comme de simples tournois intellectuels destinés à prouver leur propre virtuosité, elles abdiquent, dans leur conclusion, toutes les prétentions qu’elles avaient élevées dans leurs prémisses. Rien de plus piquant que le contraste entre l’ampleur de leur exposé des motifs et la mesquinerie de leurs requêtes finales. Mlle Archambault n’a déployé, à l’en croire, toutes

  1. Mme de Coicy. Les femmes comme il convient de les voir.
  2. Ibid.
  3. Mlle Archambault. Réponse à cette question : Qui de l’homme ou de la femme est le plus capable de constance ? (Mercure de France, 1734).