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il y a, appartient au séducteur et à la société qui n’a pas fourni aux filles-mères les moyens d’élever honorablement leurs enfants.

Plutôt que d’établir des lois absurdes, réprimant la dissimulation de grossesse et l’infanticide, « mieux aurait valu doter des hôpitaux où l’on eût secouru toute personne du sexe qui se fût présentée pour accoucher secrètement. Par là on aurait à la fois sauvé l’honneur des mères et la vie des enfants[1]. »

D’Argenson est pleinement d’accord avec Voltaire. On ne devrait plus, écrit-il, « punir et poursuivre la malheureuse mère qui présente à un seigneur avare et inhumain le fruit de sa fécondité et de ses faiblesses. On devrait au contraire l’assister, la recevoir avec bonté, la faire accoucher…, ses enfants seraient distribués chez les meilleures gens du hameau, particulièrement chez ceux qui n’ont pas d’enfants[2]. »

Ainsi, ne plus attacher de déshonneur à une faute dont, dans la plupart des cas, le séducteur plus que la jeune fille est coupable, ouvrir des maternités, élever les enfants ainsi recueillis, voilà pour réparer l’une des grandes injustices sociales. Ce faisant, d’ailleurs, on agira non seulement dans l’intérêt des filles-mères, mais dans l’intérêt de la société.

Une loi est pernicieuse qui ravit à l’État et des citoyennes qui devraient lui donner des enfants et, par les expositions, les infanticides auxquels sont vouées les filles de par la rigueur des lois, tant d’enfants qui seraient particulièrement utiles dans les provinces où l’on se plaint de la dépopulation[3].

Une des plus grandes calamités de l’État, c’est la stérilité des femmes. Ainsi on doit non seulement pardonner les maux qui en font éviter de plus grands, mais les tourner quand on le peut au profit de la patrie[4].

Plus libéral encore, le maréchal de Saxe demande que toute femme soit encouragée à avoir des enfants par l’amélioration de son sort. « Il faut établir, dit-il, que plus une femme aurait d’enfants plus elle serait heureuse. »

Et il propose que la dixième partie du revenu de chacun des enfants soit consacré à la mère et que l’on gratifie de pensions variant de 600 à 1 000 écus les mères de dix à douze enfants.

  1. Mélanges de politique et de législation (Œuvres complètes).
  2. Observations sur le bien que les seigneurs peuvent aux habitants de leurs terres. Journal Économique (juin 1751).
  3. Ibid.
  4. D’Argenson. Loc. cit.