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qui ne fait pas d’enfants avec le mari qu’elle a en ferait avec tel autre » [1].

D’ailleurs, le mariage indissoluble, qui ne tient pas compte du caractère changeant de l’homme, suppose la débauche[2] qui, par la fatigue et les maladies qu’elle amène, est une des causes principales de la stérilité. Des unions temporaires pareront à ces deux inconvénients. Aussi le maréchal de Saxe propose-t-il de limiter la durée des ménages à cinq ans et d’obliger ceux qui voudraient les renouveler à solliciter une dispense, qui ne serait accordée qu’aux couples féconds. Ainsi la population augmentera, et la femme pouvant porter son cœur où elle le voudra, sera libérée d’une des plus dures contraintes qui pèsent sur elle.

Il est curieux de trouver dans le maréchal de Saxe un précurseur de Fourier et des saint-simoniens.

v. Les filles-mères

Les réformateurs qui battaient en brèche la conception chrétienne du mariage et qui revendiquaient pour l’épouse plus de liberté, devaient naturellement être amenés à jeter un regard de pitié sur les plus lamentables victimes de la rigueur des lois et des préjugés du monde : les filles-mères. Bien que tous les hommes cultivés et sensibles fussent unanimes à juger avec assez d’indulgence les jeunes filles de la société qui avaient manqué à leurs devoirs (le cas était assez fréquent pour qu’on y fût habitué), bien que les grandes dames ne dédaignent pas de fréquenter les courtisanes, la loi restait, nous l’avons vu, très sévère pour les filles du peuple convaincues d’infanticide ou simplement d’abandonner leur enfant. Non seulement, suivant quelques réformateurs, celles-ci ne méritent pas leur sort injuste, mais encore il importe à la prospérité de l’État lui-même que l’on fasse disparaître cette iniquité.

Pour protester contre le malheureux sort des filles-mères, Voltaire prend texte d’un fait divers assez banal : Une jeune fille de dix-huit ans qui, séduite, accoucha clandestinement, tua son enfant et fut, pour ce fait, en vertu des lois sévères sur la dissimulation de grossesse, condamnée à mort et pendue.

Exécution injuste, dit le patriarche de Ferney. Le crime, si crime

  1. Rêveries sur la propagation de l’espèce humaine.
  2. Au xxe siècle, Alfred Naquet écrit : « Le mariage suppose la prostitution comme soupape de sûreté. »