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canonistes du moyen-âge n’ont pas exprimé des idées bien différentes… Il n’en reste pas moins que la femme doit obéir.

Surtout elle doit accepter les inégalités que la loi, interprète de la nature, a établies à l’avantage de l’époux. Celui-ci, plus libre de ses actes, de par la nature peut, nous dit Rousseau, en user plus librement que sa compagne à l’égard du bien conjugal. « La rigidité des devoirs relatifs des deux sexes n’est, ni ne peut être, la même. Quand la femme se plaint, là-dessus, de l’injuste inégalité qu’y met la loi, elle a tort. Cette inégalité n’est pas une institution humaine ou du moins elle n’est pas un ouvrage du préjugé, mais de la raison. C’est à celui des deux que la nature a chargé du soin des enfants d’en répondre à l’autre. Sans doute, il n’est permis à personne de violer sa foi et tout mari infidèle est un homme injuste et barbare. Mais la femme infidèle fait plus : elle dissout la famille et brise tous les liens de la nature ; en donnant à l’homme des enfants qui ne sont pas de lui, elle trahit les uns et les autres et joint la perfidie à l’infidélité… »

Rousseau, se souciant assez peu personnellement de la conservation de la famille et l’ayant montré, on peut juger que c’est surtout l’orgueil masculin qui parle : c’est autant par tempérament que par système qu’il justifie le despotisme marital. Son orgueil masculin est si fort que, cet amour même dont il a fait, dans la Nouvelle Héloïse, la condition première du mariage et la source des plus pures joies, il le critique ailleurs comme contraire à la nature et inventé par les femmes pour gagner sur les hommes ascendant que n’avaient pu obtenir leurs faibles forces et leur fragile intelligence. « Il est facile, dit-il dans le Discours sur l’inégalité, de distinguer l’amour sensuel et l’amour sentiment factice né de l’usage de la société et célébré par les femmes avec tant d’habileté pour établir leur empire et rendre dominant le sexe qui devrait obéir. »

Rousseau n’est pas le seul à considérer la subordination de la femme comme la loi première du mariage. Restif de la Bretonne, comme lui, veut l’épouse étroitement soumise à l’époux ; et c’est pour assurer cette soumission qu’il interdit à la jeune fille de s’instruire.

Un auteur qui a étudié, non sans talent, la question féminine, M. de Cerfvol, blâme les femmes de vouloir appliquer dans le mariage des maximes d’indépendance et, comme Rousseau, déclare que la femme, par le seul fait qu’elle a besoin du secours et de la protection de son mari, doit tenir dans la société conjugale une place inférieure. Ce sera, sinon l’obéissance, du moins « la priva-