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L’éducation que lui donnent des femmes qui ont renié le monde ne saurait en effet préparer la femme à ses devoirs d’épouse et de mère.

Le caractère artificiel de tout l’enseignement qu’on y distribue, le quasi emprisonnement qu’on y subit contribuent, autant l’un que l’autre, à fausser le jugement et à donner, à la future femme, une vue erronée de l’existence. La première conséquence, et la plus funeste, est la facilité avec laquelle la jeune fille accepte l’époux proposé par ses parents. « Vous ne sortez guère de votre couvent que pour être promise à un inconnu qui vient vous épier à la grille. Quel qu’il soit, vous le regardez comme un libérateur et, fût-il un singe, vous vous croyez très heureuse, vous vous donnez à lui sans le connaître, vous vivez avec lui sans l’aimer[1]. »

Plus tard, instruite seulement de frivolité mondaine, la jeune mère ne pourra remplir, vis-à-vis de ses enfants, tous ses devoirs en leur inculquant les premiers éléments des connaissances humaines, et c’est ainsi que la frivolité féminine se transmet de génération en génération.

« Une mère qui ne s’est occupée toute sa vie que de ses agréments est contente d’avoir une fille qui lui ressemble ; c’est ainsi que se perpétue, de mère en fille, la trop nombreuse génération des coquettes[2]. »

Il faut donc, de l’avis unanime des penseurs, transformer de fond en comble le système actuellement en vigueur et en édifier un nouveau. Sur quelles bases ?

Ici, les réformateurs ne sont pas tous d’accord et nous retrouvons des courants d’idées adverses.

ii. L’école libérale

Pour ceux qui, comme Voltaire, Helvétius, Mme  de Puisieulx, Mme  de Graffigny, Mme  de Lambert, Mme  de Genlis jugent la femme égale de l’homme par l’esprit et capable de briller comme lui dans les sciences et les arts, digne de jouer, si son intelligence et les circonstances le lui permettent, un grand rôle social, il faut mettre à la portée de la femme — de la bourgeoise ou de la femme noble, s"entend — une instruction vaste, voire encyclopédique.

  1. Voltaire. Loc. cit.
  2. Boudier de villemert. L’ami du beau sexe.