Page:Abensour - La Femme et le Féminisme avant la Révolution, 1923.djvu/409

Cette page n’a pas encore été corrigée

Donc, tandis que les autres écrivains n’osent se prononcer franchement sur l’infériorité des femmes, Rousseau ne la met pas plus en doute que les Pères de l’Église eux-mêmes.

Il ne se demande même pas si cette infériorité est native ou acquise. L’infériorité de la femme, les conséquences sociales qui en découlent, sont pour lui conformes au vœu de la nature comme pour les scolastiques à la volonté du Créateur.

À quoi, en effet, sont destinées les femmes ? À être mères et à cela seulement. Cette destination commande leur conformation physique d’où dérivent la tournure et les aptitudes de leur esprit.

Tandis que l’homme, né pour labourer la terre, doit avoir des membres robustes, un tempérament endurant, la femme, faite pour attirer les désirs de l’homme, doit être frêle et gracieuse. Nul besoin de force et de résistance pour remplir la mission d’amante, d’épouse de mère. D’ailleurs la femme, à la différence de l’homme, reste toute sa vie sous l’influence de son sexe. « Le mâle n’est mâle qu’à certains instants, la femelle est femelle toute sa vie ou du moins toute sa jeunesse… ; il lui faut des ménagements dans sa grossesse, il lui faut du repos pendant ses couches, il lui faut une vie molle et sédentaire pour faciliter les enfants[1]. »

« Les femmes, dites-vous, — Rousseau répond ainsi par avance aux arguments des féministes, — ne font pas toujours des enfants ? Non, mais leur destination propre est d’en faire… Que telle ou telle femme fasse peu d’enfants, qu’importe ? l’état de la femme n’est-il pas moins d’être mère, et n’est-ce pas par des lois générales que la nature et les mœurs doivent pourvoir à cet état ? Quand il y aurait entre les grossesses d’aussi longs intervalles qu’on le suppose, une femme changera-t-elle aussi brusquement et alternativement de point de vue sans péril et sans risques ? Sera-t-elle aujourd’hui nourrice et demain guerrière ?…[2] »

Donc, la femme doit, pour répondre au vœu de la nature, être faible, comme l’homme doit être fort. Mais la nature physique de la femme influe sur son genre de vie et celui-ci sur son caractère et sur son esprit. N’étant destinée ni à donner à la famille la subsistance, ni à la défendre contre les dangers extérieurs, la femme n’a besoin ni de la force d’âme, ni de l’esprit inventif qui, dans les temps primitifs, furent aussi nécessaires à l’homme que des bras vigoureux. Son esprit est donc de qualité inférieure. Sans

  1. Émile.
  2. Ibid.