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nature l’égale de l’homme. La mauvaise éducation que l’homme lui impose la rend inférieure.

« Si les femmes sont en général inférieures aux hommes, dit Helvétius, c’est qu’en général elles reçoivent une plus mauvaise éducation[1]. »

D’Alembert pense presque comme Montesquieu. « Si vous aviez raison, écrit-il à Rousseau, de vous écrier : « Où trouvera-t-on une femme honnête et vertueuse… Quelle en serait la triste cause ? l’esclavage et l’espèce d’avilissement où nous avons mis les femmes, les entraves que nous donnons à leur esprit et à leur âme, l’éducation funeste, je dirai presque meurtrière, que nous leur donnons sans leur permettre d’en avoir d’autre. Nous traitons la nature en elles comme nous la traitons dans nos jardins. Nous cherchons à l’orner en l’étouffant. Si la plupart des nations ont agi comme nous à leur égard, c’est que partout les hommes ont été les plus forts et, que partout, le plus fort est l’oppresseur du plus faible »[2].

Pour d’Alembert, moins absolu que Montesquieu, il y a au moins une inégalité naturelle entre les deux sexes : celle de la force, qui ne justifie pas d’ailleurs l’inégalité des conditions.

L’égalité des aptitudes et des cerveaux, si nettement établie par Poulain de la Barre, est un dogme pour la plupart des féministes.

Aucun, sans doute, ne reprend la fameuse discussion sur l’identité ou la différence des cerveaux de l’un et l’autre sexe. Cependant, ils ont vu la difficulté et la résolvent à leur manière.

Quelques-uns d’entre eux admettent qu’il y ait en effet quelque différence entre la manière dont s’accomplissent chez l’homme et chez la femme les opérations de l’esprit. Sensualiste, et faisant dériver celles-ci de la conformation des sens, Helvétius note que sans doute l’organisation des deux sexes est différente à certains égards, mais que cette différence ne saurait être regardée comme la cause de l’infériorité de l’esprit des femmes… La preuve du contraire, c’est que « nulle femme n’étant organisée comme un homme, aucune ne devrait avoir autant d’esprit ». Cependant, que de femmes célèbres ne le céderait aux hommes de génie !

Pour Helvétius aussi, toutes les différences viennent de l’éducation.

L’une des apologistes les plus convaincues et les plus hardies du beau sexe, Mme de Puisieulx, déclare « point de plus grande absur-

  1. Helvétius. De l’esprit.
  2. Lettre de d’Alembert à Rousseau.