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contente pas de condenser sa philosophie féministe dans les articles Homme et Femme, Adultère et Divorce, du Dictionnaire philosophique. Discussion sur la capacité politique des femmes à propos de la loi Salique dans l’Essai sur les mœurs, plaidoyer pour les femmes savantes dans l’épître à Mme  du Chatelet et dans celles de ses lettres adressées à maintes correspondantes, nombreuses études sur la question des filles-mères et la maternité dans ses Mélanges de politique et de législation, création de curieux type d’émancipées, comme l’Amenaïde, de Tancrède, telles sont les plus intéressantes contributions apportées par Voltaire à la passionnante étude. Ceci sans compter les innombrables réflexions, parfois profondes, parfois simples boutades, souvent d’ailleurs contradictoires, qu’il a semées ça et là au gré de la fantaisie.

Qu’il s’amuse à observer la société parisienne de son temps en tendant derrière elle, comme toile de fond, le décor des Mille et une Nuits, ou qu’en historien et en juriste, il tâche de pénétrer dans ses plus mystérieux arcanes l’esprit des lois, Montesquieu trouve devant lui le problème féminin. Avant les Goncourt, il voit dans la la femme de son époque la raison d’être de toutes choses, l’instrument de toutes les élévations et de toutes les disgrâces, le personnage indispensable à toutes les intrigues, le ressort caché de la monarchie absolue et du despotisme. Et l’histoire lui fournit, sans l’étonner ou l’indigner, vingt exemples de gouvernement féminin.

Pour Jean-Jacques Rousseau, nul de ses ouvrages, à l’exception du Contrat social, où la femme ne règne. Elle domine les Confessions et la Nouvelle Héloïse, où s’agitent, avec la question éternelle de la liberté du cœur féminin, le problème des rapports familiaux et sociaux de l’homme et de la femme et du rôle de la femme dans la famille. Une partie très importante de l’Émile, consacrée à son idéale compagne Sophie, traite ex professo de l’éducation féminine et du rôle social de la femme. Les Discours sur l’inégalité, sur les Sciences et les Arts envisagent sous d’autres aspects à l’influence littéraire, sociale, intellectuelle de la femme. La correspondance contient sur les mêmes sujets maint aperçu.

Diderot traite la question féministe dans un important opuscule : sa critique de l’Essai sur les femmes de Thomas, l’un des meilleurs plaidoyers que l’on ait écrit pour les femmes. Le Voyage de Bougainville contient d’intéressantes réflexions sur l’assujettissement féminin. Les autres œuvres ne présentent que de courtes saillies.

Par contre, combien de réflexions judicieuses et neuves dans l’ouvrage d’Helvétius : De l’Esprit ! Celui-ci est nettement fémi-