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permettant de faire un acte entraînant des conséquences civiles, voire encore de caractère politique. L’autorisation du mari n’est pas nécessaire à l’accomplissement de cet acte, bien que nous la trouvions quelquefois mentionnée.

Si la femme peut prêter l’hommage comme vassale, elle peut, comme suzeraine, le recevoir. Les exemples de femmes qui, suzeraines d’autres femmes ou d’hommes, reçoivent directement cet hommage ou le font recueillir par procureurs, sont encore fréquents au xviiie siècle et naturellement, surtout, dans les provinces où nous trouvons la propriété féodale féminine le plus largement représentée. En Lorraine, la palatine Anne de Bavière, Henriette de Clèves, dans le Nivernais, recueillent, par leur procureur, de nombreux hommages[1]. Dans le Limousin, Mme  de Rhodes, comtesse de Bridiers, reçoit des hommages pour plusieurs seigneuries tenues par des femmes ou par des hommes ; Marie-Anne de Bourbon, duchesse de La Vallière et de Rochechouart, seigneur de fiefs importants en Bretagne, et de même la marquise de Plœuc, la baronne de la Hunaudaye reçoivent des hommages masculins et féminins[2].

La demoiselle Fiacre de Bouline, qui possède en Berry des domaines, reçoit pour des terres qui en relèvent, hommages des seigneurs vassaux[3].

Il arrive même parfois qu’une femme qui, ne possédant aucun fief, ne pourrait directement recueillir aucun hommage, soit chargée par une autre femme de les enregistrer à sa place. Bien que les anciennes coutumes l’interdisent à la femme, elle est procuratrice. Nous relevons ce cas en Franche-Comté, où Jeanne-Catherine de Marnier est procuratrice de l’abbesse de Martigny[4].

Les droits que les femmes tiennent de leurs propriétés féodales ne se réduisent pas à ces cérémonies quasi rituelles, et dont l’esprit est absent, de la déclaration de l’aveu, de la prestation ou de la réception de l’hommage ; nous les voyons posséder et exercer des droits plus positifs et qui sont, non seulement de caractère civil, mais de caractère économique et politique.

Possédant des terres, les femmes possèdent tous les droits qui, à la veille de la Révolution, restent encore attachés à la propriété

  1. Arch. Départ., Ardennes, B., passim ; Nièvre, B., passim.
  2. Arch. Départ., Finistère, Côtes-du-Nord, Ille-et-Vilaine. Cf. page 9.
  3. Arch. Départ., Cher, E. 1136.
  4. Cf. Décision de la Chambre des Comptes de Besançon, ordonnant de payer les reliquats de compte à J.-C. de Marnier, procuratrice de l’abbesse de Martigny. Arch. Départ., Doubs, B. 937.