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cent ces droits de leur propre chef. C’est par dizaine qu’on les compte dans la Loire-Inférieure, l’Ille-et-Vilaine, le Morbihan, les Côtes-du-Nord, le Finistère. Mais bien plus nombreuses encore sont celles qui, veuves ou filles, possèdent des domaines sur lesquels elles exercent seules leurs droits[1].

Parmi elles, sont de hautes et puissantes dames comme Marie-Anne de Bourbon-Penthièvres, Françoise de Tournein, baronne de la Hunaudaye, Charlotte de la Boexière, possesseurs de nombreux fiefs dans la baronnie de Dinan, mais surtout une infinité de femmes qui possèdent de petites seigneuries. Dans les régions correspondantes aux départements des Côtes-du-Nord et du Finistère, ainsi que nous pouvons nous en rendre compte par le dénombrement des fiefs, c’est au moins une terre seigneuriale sur deux qui est propriété féminine[2]. Les fiefs féminins sont encore très nombreux dans l’Ille-et-Vilaine et la Loire-Inférieure, et beaucoup moins dans le Morbihan.

En somme, si nous essayons de nous représenter quelle est, à la veille de la Révolution, la répartition géographique des domaines seigneuriaux tenus par des femmes, on pourrait, en tenant compte de toutes les imprécisions qui viennent de ce que nous n’avons pas toujours, pour toutes les régions, les documents en nombre égal, tracer le tableau suivant :

Pas de femmes seigneurs en Normandie, où la coutume des mâles ne l’emporte, dans le droit civil, que parce qu’elle est la règle dans le droit féodal et où la femme est inhabile à succéder aux fiefs. Quelques femmes seigneurs en Champagne, en Lorraine, dans l’Ile-de-France.

Un assez grand nombre dans les provinces du Centre, telles le Nivernais, la Touraine, le Berry ; dans celles de l’Ouest comme le Poitou, l’Angoumois, la Saintonge ; et dans les provinces de l’Est, particulièrement en Franche-Comté ; dans tous ces pays, en effet, la femme est, comme nous l’avons vu, apte à succéder aux fiefs sous certaines conditions, et le droit romain qui admet l’égalité successorale entre les fils et les filles, y a gagné du terrain sur le droit féodal.

Un plus grand nombre de femmes seigneurs encore, dans la Guyenne et le Languedoc, où décidément le droit romain l’emporte.

  1. Arch. Départ., Côtes-du-Nord, B. 1189 ; Loire-Inférieure, série B., passim.
  2. Arch. Départ., Côtes-du-Nord, série E, ; Morbihan, série B., passim ; Ille-et-Vilaine, série B. ; Finistère, série B., passim.