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Dans les villages de la Guyenne, de nouvelles converties qui s’intitulaient elles-mêmes des femmes fortes et s’érigeaient en prédicantes[1], allaient de maison en maison sous prétexte d’œuvres charitables, visitaient et soignaient les malades, secouraient les pauvres et les empêchaient de vivre en bons catholiques. Notre temps viendra, dit communément l’une d’elles, on nous bâtira des temples[2].

Au début du xviie siècle, dans l’Hérault, les assemblées du désert comptent, au témoignage de l’intendant, plus de femmes que d’hommes[3] et les bourgeoises, les femmes nobles, mais aussi les servantes s’y pressent.

Plus tard, sans que l’on soit en droit d’affirmer que, dans les assemblées du désert qui se sont tenues au cours du xviiie siècle dans le Languedoc, les femmes aient été plus nombreuses que les hommes, il est certain en tout cas que l’élément féminin était très largement représenté[4].

La preuve en est le grand nombre de condamnations prononcées contre des femmes pour avoir assisté à des assemblées du désert. Sur vingt-cinq femmes qui, en 1754, étaient encore détenues à la tour de Constance, à Aigues-Mortes, plus de vingt avaient été emprisonnées pour avoir assisté « aux assemblées à prier Dieu[5] ». Aux assemblées de protestantes qui se tiennent au milieu du xviiie siècle, dans le Béarn, on trouve également des femmes en grand nombre[6].

Plus tard, lors de la renaissance du calvinisme dans le Haut-Languedoc, des femmes jouent également un grand rôle en prêtant leurs maisons pour la tenue des assemblées. Il en est ainsi à Clairac, à Tonneins. Dans cette ville, les maisons de la demoiselle Antony, de la demoiselle Vivens s’ouvrirent largement aux fidèles. On y fit le prêche, on y accomplit les cérémonies. Dans la grange de la demoiselle Vivens auraient eu lieu, écrivait à Saint-Florentin l’intendant du Languedoc, plus de trois cents mariages ou baptêmes[7]. Dans les premières années qui suivirent la révocation

  1. Arch. Départ. Gironde, E. 5243.
  2. Mémoire du curé de Libourne, Arch. Départ., Gironde, E. 5243.
  3. Arch. Départ., Hérault, C. 181.
  4. Coquerel. Histoire des églises du désert.
  5. D’après une liste dressée par une des prisonnières, Marie Durand. Ce curieux document a été reproduit par Coquerel. Histoire des églises du désert.
  6. Arch. Départ., Basses-Pyrénées, B. 4879.
  7. Coquerel. Loc. cit.