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Mais les femmes de la petite bourgeoisie ou les ouvrières furent les plus nombreuses au cimetière Saint-Médard.

À lire les mémoire du temps, il semble bien qu’il s’y pressât une foule surtout féminine.

Lorsque le roi eut « fait défense à Dieu de faire miracle », les convulsionnaires tinrent dans les maisons particulières leurs assemblées secrètes. Dans les étranges cérémonies qui se déroulent au sein de ces assemblées, les femmes semblent avoir joué le rôle essentiel.

Ce sont elles qui, plus que les hommes, grâce à la plus grande excitabilité de leur système nerveux, entrent en transes et croient ainsi communier avec l’âme du saint. C’est parmi elles surtout que se recrutent les secouristes, suppliciées volontaires dont l’endurance fait penser à celle des fakirs de l’Inde.

La Condamine nous a laissé la description d’une de ces assemblées qui se tint, le 13 avril 1761[1], chez l’une des plus célèbres convulsionnaires, la sœur Françoise. « Dans une chambre meublée de bergames et de chaises de paille, sur le derrière d’une fort vilaine maison », se trouvaient réunis neuf convulsionnaires, toutes des femmes, petites bourgeoises ou ouvrières. En présence d’une assistance masculine, gentilhommes, bourgeois ou ecclésiastiques, qui se contentaient d’apporter leurs encouragements, la sœur Françoise, rompue de longue date (elle avait alors 55 ans) aux terribles exercices de la révélation nouvelle, et une jeune ouvrière, brûlant de marcher sur ses traces, la sœur Marie, se firent administrer « des secours » variés.

On les fustige avec des chaînes de fer de huit à dix livres, d’énormes bûches s’abattent sur leur crâne, des épées s’enfoncent dans leur poitrine, leurs vêtements sont brûlés sur elles.

Enfin, tandis qu’un des prêtres les exhorte à se souvenir de la crucifixion de Jésus-Christ, on les cloue sur la croix avec des clous carrés qui les déchirent atrocement, et on les y laisse exposées pendant trois heures.

Comme le remarque bien La Condamine, il y avait probablement des simulatrices ; la plupart cependant étaient sincères, leurs cris de souffrance le prouvent et aussi le fait que quelques-unes des secouristes n’étaient pas des oisives mais des ouvrières, à qui ces dures mortifications déformaient les mains.

« Il est digne de remarque, écrit La Condamine, qu’il n’y ait que

  1. Grimm. Correspondance littéraire, janvier 1761.