Les Sœurs grises, qui forment une communauté particulière, « soignent les malades pauvres et se répandent partout » [1]. Les contemporains les plus hostiles au clergé n’ont pas assez d’éloges pour leur dévouement et voient en elles les seules religieuses vraiment utiles à la société.
Ils remarquent d’ailleurs que leur vie est peu austère, « l’habitude de vivre au milieu des jeunes hommes » leur donnant une assez grande liberté d’allures et le voisinage de la souffrance et de la mort leur faisant connaître le prix de la vie, leur donnant le goût du plaisir et de la volupté[2]. Les Sœurs grises n’ont pas en propre d’établissement hospitalier, n’ayant pas de couvent. Mais elles exercent dans presque tous les hôpitaux de Paris. Dans les provinces, ce sont surtout les religieuses de l’ordre de Saint-Augustin qui tiennent entre leurs mains les hôpitaux. Plus de 200 relèvent d’elles, écrit un M. Colombier, inspecteur des hôpitaux[3]. Mais les Visitandines (Auxerre, Arles, Agen, Angoulême, Grenoble, Clermont, Nevers, Marseille), les Hospitalières (Bar-sur-Aube, Laigle, Nancy, La Rochelle, Tonnerre), les religieuses de la Providence (Grenoble), celles du Tiers Ordre de Saint-François (Cambrai), celles de Sainte-Elisabeth (Lunéville, Orléans) ont ouvert des établissements hospitaliers[4].
Elles prennent en général leur rôle très au sérieux et administrent leurs établissements avec zèle, sinon toujours avec compétence. Tels hôpitaux, celui de Baveux, par exemple, confié aux religieuses, apparaît comme bien organisé et les supérieures de cet hôpital semblent des femmes de tête énergiques et avisées, dont la gestion est intelligente et économe[5].
Mais souvent les directrices des hôpitaux sont dures, autoritaires, dépourvues de véritable sympathie pour les malades. L’une des supérieures de l’hôpital de Bayeux se livre, un jour, dans une lettre qu’elle adresse au subdélégué, à un véritable réquisitoire contre les pauvres de son établissement, « fainéants, traités, dit-elle, avec trop de douceur, qui font un dieu de leur ventre et refusent de travailler « .
La supérieure de l’hôpital d’Oisemont (Picardie) apparaît à un inspecteur des hôpitaux comme autoritaire, personnelle et princi-