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des dames des abbayes bénédictines, soit une vie purement contemplative, comme les Carmélites et les religieuses, des ordres organisés ou réorganisés depuis le xviie siècle, dont les devoirs charitables : instruction des pauvres, soin des malades, entretien des orphelines, sont considérés comme la mission la plus essentielle. Ces préoccupations sont partagées par les communautés des anciens ordres que leur pauvreté force à trouver des ressources dans l’enseignement ou l’établissement de pensions pour les veuves.

De fait, le rôle joué par chacune de ces deux catégories de religieuses est nettement différent. Les religieuses des innombrables abbayes bénédictines, celles de Fontevrault, les dames des chapitres nobles lorrains font surtout figure de seigneurs féodaux occupés d’administrer leurs terres et de défendre jalousement leurs privilèges. Nous voyons les abbesses de Jouarre et de Fontevrault, de Saint-Andoche et de Loucharre (Bourgogne), de Montivilliers (près de Rouen), recevoir les hommages des seigneurs vassaux, percevoir leurs rentes et redevances sur leurs domaines, le tout avec une très grande activité[1].

Nous les voyons préoccupées de la mise en valeur de leurs domaines, dont, telle l’abbesse de Jouarre, elles surveillent l’exploitation [2], ou faisant exécuter sur ces domaines différents travaux [3].

Surtout, nous les voyons en fréquents démêlés avec les autorités laïques ou ecclésiastiques pour l’exercice de leurs privilèges civils ou religieux qui tendent à être restreints par les évêques ou les représentants du roi. Les religieuses de Fontevrault refusent de payer les taxes auxquelles veulent les assujettir les habitants des paroisses voisines et de loger les gens de guerre[4].

Les chanoinesses de Remiremont, au temps des ducs de Lorraine, n’ont cessé de lui disputer son droit d’épaves et d’amende, d’exiger la préséance de leurs représentants sur les siens propres, la nomination du maire de Remiremont[5]. Les religieuses de Saint-Sauveur exigent du curé de Chateaubriand que, reconnaissant son église pour dépendante de celle de leur monastère, il fasse sur leurs terres quinze ou dix-huit processions par an et qu’il laisse le chape-

  1. Arch. Départ., Saône-et-Loire, H. 682 ; Seine-Inférieure, G. 538, 3.
  2. D’Argenson. Loc. cit.
  3. Cf. Contestation du corps de ville de Grenoble avec la prieure de Montfleury, qui a construit une digue sur l’Isère. Arch. Départ., Grenoble.
  4. Arch. Départ., Loire-Inférieure, H. 350.
  5. Arch. Départ., Vosges, introduction.