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raux ont établi leur château. Dans les localités où existent des fondations, on désigne tous les ans, en une cérémonie solennelle, les bénéficiaires de ces libéralités : parfois elles sont élues par les notables, d’autres fois par le peuple de leur village. Dans le Rethélois, soixante filles, désignées tous les ans, sont dotées et mariées par les soins du duc et de la duchesse du Nivernais, seigneurs de la contrée[1]. Telle cité charge un magistrat municipal de s’occuper des filles pauvres et les doter aux frais de la ville et le qualifie de procureur des pauvres filles à marier[2]. Cependant, il s’en faut naturellement que, si nombreuses et si répandues qu’elles soient, particulièrement à la fin du xviiie siècle, ces fondations puissent suffire à assurer le mariage à toutes les filles pauvres.

Et, malgré tout, le nombre des enfants supprimés ou abandonnés restait extrêmement élevé, surtout dans les campagnes. Le fléau sévissait, non seulement chez les filles séduites, mais même dans les ménages réguliers, et le curé de la Borderie se plaignait de l’abandon des enfants comme d’une des causes de la misère. On pensa donc à encourager la maternité en donnant aux mères, particulièrement à celles de familles nombreuses, quelques avantages. Ici encore, aucune mesure d’ensemble, mais des mesures particulières prises ça et là et appliquées sans beaucoup de méthodes.

Le Gouvernement assure parfois aux mères de familles nombreuses, particulièrement aux veuves, une pension sur le Trésor. Nous voyons de ces pensions attribuées à des mères de dix ou onze enfants[3], particulièrement lorsqu’elles sont veuves. Elles sont en outre exemptes de la taille et de la corvée[4]. Dans certaines régions, les femmes en couches sont exemptes de la taille. Cependant ces mesures restent exceptionnelles et presque tout l’effort du gouvernement et des autorités locales a tendu à empêcher l’infanticide et l’exposition des enfants. Certains réformateurs hardis demandent que l’on rétablisse officiellement la recherche de la paternité. « Il faudrait, dit un subdélégué de la généralité de Clermont dans un intéressant mémoire, que, par l’intermédiaire de l’intendant Rossignol, il adresse au contrôleur général Orry, il faudrait faire dresser dans chaque généralité un état des filles enceintes, faire comparaître devant les autorités toutes les accoucheuses et forcer les filles à exercer une action de justice contre

  1. Arch. Départ., Ardennes, B, 567.
  2. Arch. Départ., Vaucluse, B. 2265.
  3. Arch. Départ., passim.
  4. Ibid.