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puis les emportent sans payer. Des femmes accourues des faubourgs pillent et saccagent les dépôts du gouvernement[1].

Le 27 juillet 1789, des femmes enlèvent des voitures de blé sur les routes du Berry.

De telles manifestations expliquent par avance les journées des 5 et 6 octobre 1789 et permettent de comprendre que, quoi qu’en aient voulu dire récemment certains historiens, les soulèvements féminins du début de la Révolution purent être pour une très large part spontanés. Rien d’étonnant qu’à une époque d’effervescence révolutionnaire les femmes aient marché sur Versailles quand, depuis un siècle, on voit dans les provinces les femmes du peuple se livrer à des manifestations semblables en tous points.

La misère, d’ailleurs, n’est pas la seule cause qui forme et soulève contre le pouvoir des groupes de femmes. Sous la Régence et encore quelques années plus tard, les femmes s’attroupent souvent sur la nouvelle, vraie ou fausse, que la police racole des femmes et des enfants pour le Mississipi. En 1722, à Orléans, un exempt nommé Lecomte parcourait la ville, s’efforçant de chercher des femmes pour la nouvelle colonie. Sitôt le fait connu les femmes s’assemblent, soulèvent l’émotion populaire et finalement font arrêter le racoleur.

C’est dans la capitale, surtout, que les racoleurs pour le Mississipi suscitent dans le peuple féminin de violentes réactions. À Paris, vers 1720, plusieurs émeutes éclatent pour ce motif. L’une, particulièrement grave, fut suscitée par une femme Benoit qui, voyant passer les archers du Mississipi, ameuta le peuple en criant : « Tuez ces chiens-là ! » et fut, pour ce fait, enfermée à la Bastille[2].

Les historiens de la Régence nous signalent maintes manifestations. Elles se reproduisirent en 1750, lorsque les enlèvements de jeunes garçons et de jeunes filles furent de nouveaux ordonnés[3].

De même, vers 1740, la population parisienne fut prise d’un bizarre soupçon : le bruit s’était répandu qu’on avait ordonné des bains de sang aux enfants royaux et que la police enlevait des enfants du peuple pour les égorger. À plusieurs reprises les femmes s’attroupèrent, suscitant de véritables émeutes. Celles-ci furent tout particulièrement graves quand les femmes de la Halle y participèrent [4].

  1. Arch. Départ., Calvados, G. 2664.
  2. Funck Brentano. Inventaire des archives de la Bastille.
  3. Mercier. Tableau de Paris.
  4. Cf. Hertaut. Les enlèvements d’enfants en 1720 et'Texte en italique 1750. L’auteur ne met pas suffisamment en lumière le rôle des femmes (Revue Historique, janvier, 1922).