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chant ou fanant suivant les saisons, parfois soignant les vignes. Leur salaire, auquel s’ajoute il est vrai la nourriture, est plus bas encore que celui de l’ouvrière des villes ; il est rare que ce salaire atteigne 85 centimes, il est toujours inférieur de quelques sous de celui des hommes[1]. Dans telle région (Berry), les femmes employées à faner reçoivent seulement trois sous par jour[2], Ailleurs (Guyenne), elles touchent cinq sous alors que, pour le même travail, les hommes en ont douze.

Les servantes forment une partie assez nombreuse de la population des campagnes. Elles vivent non seulement dans les châteaux mais chez les petits bourgeois que, sous l’ancien régime, on trouve dans chaque village. Celles-ci ne spécialisent pas, comme les servantes de la ville qui sont cuisinières ou femmes de chambre, elles sont bonnes à tout faire : leur salaire est infime. Le compte-rendu d’un procès, poursuivi à Bourges entre une servante et son patron, nous apprend que la demanderesse, Jacquette Puget, s’est engagée à servir le défenseur, Jean Petit, moyennant une cotte et une paire de chaussures, cinq quartiers de belle toile, deux chemises, une garde-robe et un écorceau de grosse toile par an[3].

Encore ne reçoivent-elles pas toujours intégralement ce maigre salaire, doivent-elles, parfois, se contenter d’une partie de la garde-robe promise, et le patron et la patronne font-ils bien des difficultés pour les payer ; assez nombreux sont les procès intentés par des servantes pour non-paiement de salaires.

Il n’apparaît pas que les servantes soient communément maltraitées. Parfois, entre elles et leurs maîtresses, les rapports s’imprègnent de cordialité. Telle grande dame tient sur les fonts baptismaux le nouveau-né de sa servante. Par contre, vivant continuellement dans la maison auprès du maître, la servante, lorsqu’elle est jeune, est exposée à être l’objet de ses galanteries. C’est souvent de son plein gré. La servante-maîtresse est un type fort répandu au xviiie siècle. Mais c’est aussi malgré elles, à en juger par les très nombreuses accusations de séduction que les servantes formulent contre leur maître ; les greffes des diverses justices en sont encombrés. Les servantes d’ecclésiastiques n’échappent pas au même destin : il est fréquent de voir des curés traduits devant des officialités pour avoir séduit leur servante, plus fréquent

  1. Levasseur. Histoire des classes ouvrières.
  2. Arch. Départ., Charente, E. 408.
  3. Arch. Départ., Cher, B. 1625.