Page:Abensour - La Femme et le Féminisme avant la Révolution, 1923.djvu/228

Cette page n’a pas encore été corrigée

d’Abbeville[1] et de Troyes apparaissent comme constituant une partie importante de la population.

À la fin du xviiie siècle, d’importantes filatures s’établirent à Troyes ; elles employèrent, comme les manufactures de Lyon, du Puy et d’Alençon, un personnel féminin permanent. Par centaines, en effet, les femmes et filles des campagnes picardes vinrent peupler les nouveaux établissements.

Dans certaines régions, non seulement les usines attirèrent dans les villes la population féminine des villages, mais le travail industriel rayonna dans les campagnes mêmes.

Il en est ainsi de l’industrie drapière dans la sénéchaussée de Rennes. Les rôles de la capitation dans cette dernière sénéchaussée nous montrent, dit M. Sée, des fileuses parmi les domestiques de ferme, au nombre de quatre ou cinq par exploitation. Dans toute l’étendue de l’évêché de Rennes, les femmes et les filles de fermiers fabriquent la toile à voile.

Dans la même région, les fabriques de drap de Josselin font vivre une grande quantité de femmes[2].

Comme on le voit par cet aperçu, forcément incomplet[3], les femmes ont, dès la fin du xviiie siècle, joué un rôle assez important dans la grande industrie et il apparaît bien que leur entrée dans les cadres de l’armée industrielle fut, depuis Colbert, une condition indispensable au développement de toutes les industries textiles, d’abord, et même d’autres industries, telle la papeterie, qui exigeaient un nombreux personnel.

Cependant un certain nombre de métiers demeurent, par une réglementation sévère, interdits aux femmes. Et il en est ainsi, non seulement de ceux de l’industrie lourde comme la métallurgie, de ceux qui exigent une habileté technique comme la fabrication des instruments de précision, mais même de certains métiers pour lesquels elles semblent qualifiées. On leur interdit, comme trop fatigant, le travail des tapisseries de basse lisse ; à Thiers, les tailleurs se réservent le monopole de la confection masculine et féminine. Comme il arrive souvent jusqu’au xxe siècle, l’exclusion de la femme d’un certain nombre de métiers est justifiée par une prétendue protection de sa faiblesse.

Même, d’ailleurs, lorsque la femme travaille dans les mêmes

  1. Par exemple dans les établissements de Van Robais.
  2. Sée. Loc. cit.
  3. L’étude complète et approfondie de l’activité économique des femmes exigerait des monographies par corps de métiers ou par province. Les archives départementales et communales en fourniraient les éléments.