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Les unes sont destinées à donner du pain aux pauvres, d’autres des remèdes aux malades indigents, d’autres à contribuer à l’établissement de religieuses dans le bourg ou dans le village, d’autres encore à fonder un lit dans un hôpital, celles-là enfin à établir une petite école. Parfois ces dons viennent non seulement de femmes aisées mais de veuves, presque dépourvues de ressources, ou de pauvres servantes. Rien de plus touchant par exemple que le testament de cette Hélène Duforez, veuve sans fortune, du Maine, qui, cependant, stipule que les quelques dizaines de livres de rente qu’elle possède seront employées à la distribution quotidienne de dix petits pains d’un sou, aux pauvres.

C’est de leur vivant même, très souvent, que les femmes de la bourgeoisie ou de la noblesse provinciale consacrent une partie de leur avoir au soulagement des misères. Entre les femmes des grandes et des petites villes de province, voire des simples bourgs, il se forme des associations charitables où les adhérentes se répartissent la besogne. Celles-ci vont visiter les malades à domicile, d’autres tiennent la pharmacie où sont déposées les boîtes de remèdes que les premières vont porter aux malades, et se préoccupent de les approvisionner. D’autres accueillent les pauvres et leur distribuent des secours en nature ou en argent. D’autres enfin tiennent des ouvroirs et essayent parfois d’en faire de véritables écoles professionnelles. Les archives départementales nous révèlent ainsi le détail de maintes de ces associations féminines[1]. Elles apparaissent comme très actives et fort efficaces.

Parfois une seule femme charitable remplit dans un village une sorte de ministère de la charité.

Telle Marie Jouvelin, qui vécut quatre-vingt et un ans dans un village de l’Orléanais et dont le registre paroissial des décès glorifie ainsi la longue vie de dévouement : « Elle fut recommandable par l’hospitalité qu’elle a exercée durant sa vie envers plusieurs petits orphelins… Elle les retirait quand ils ne savaient où donner de la tête. Elle couvrait leur nudité. Elle apaisait leur faim. Elle trempait leur soupe, faisait leur lit et, quand elle se trouvait à les placer dans des salles, chambres, ou grenier de la maison, sa charité ingénieuse lui faisait trouver place pour eux en quelques coins d’écurie. Si bien qu’elle pouvait dire : Ab infantia crevit mecum miseratio[2]. » La belle figure de Marie Jouvelin, dessinée avec la naïveté tou-

  1. Arch. Départ., Creuse, H. passim ; Isère, H. passim ; Ile-et-Vilaine, C. passim.
  2. Arch. Départ., Eure-et-Loire, GG. 7.