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dernière ville, la campagne menée par les femmes pour les libertés parlementaires fut ardente et tenace.

Au milieu du xviie siècle, c’est une véritable passion que nourrissent pour la politique les femmes des parlementaires bordelais. Les traités les plus savants de droit public et de droit constitutionnel étaient alors les livres de chevet des mondaines. Celles-ci s’arrachaient le traité de droit public de Michau de Montblin, véritable encyclopédie politique. Celles-là étaient habituées à discuter les plus abstruses et les plus subtiles questions constitutionnelles[1] et transformaient salons et boudoirs « en états généraux où éclataient, derrière l’éventail, de singulières hardiesses[2] ».

Aussi, lorsque l’arrêt de dissolution du Parlement de Guyenne fut connu à Bordeaux, les femmes ne contribuèrent-elles pas moins que les hommes à l’effervescence populaire qu’amena la décision royale. « Le beau sexe, dont l’influence ne fut jamais plus grande, se couvrit de gloire[3]. » On connaissait d’ailleurs à Bordeaux l’attitude prise par un certain nombre de grandes dames, à Paris et à Versailles, même devant le triumvirat. On savait qu’une femme, la comtesse d’Egmont, était l’âme de la résistance. L’influence des manifestations féminines à la Cour contre le Parlement Maupeou[4], celle surtout de la fière attitude de la comtesse d’Egmont, qui avait jadis fréquenté le salon de Mme Duplessy, fut, nous dit un historien de Bordeaux, considérable. « Mères, filles, épouses de parlementaires témoignèrent d’une fermeté à toute épreuve, réconfortant les indécis, gourmandant les timides, exaltant les résolus, prêtes à tous les sacrifices de bien-être et de fortune. Gardiennes résolues des traditions morales qu’à Versailles on foulait aux pieds, rien n’égalait leur mépris pour Maupeou. Une étude réfléchie du litige qui bouleversait le royaume les confirmait dans leur opposition. Avec la bourgeoisie entière et tous les écrivains patriotes, tous les cœurs féminins battirent à se rompre au seul nom de la Liberté[5]. « 

Comme le duc de Fitz-James, à Toulouse, le maréchal de Richelieu dut se défendre contre les émeutes féminines. Quelques femmes de parlementaires vinrent le trouver jusque dans son palais. Il dut,

  1. Grellet-Dumazeau. La société bordelaise sous Louis XV.
  2. Ibid.
  3. Ibid.
  4. Supra et De Besenval. Mémoires.
  5. Grellet-Dumazeau. Loc. cit.