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la femme d’un conseiller, et qui se termine par les deux vers suivants :

… Il aima mieux s’ôter la vie
Que de vivre sans gloire et de trahir l’État.

Peut-être, d’ailleurs, ces manifestations ne se bornent-elles pas à des pièces de vers puisque nous voyons, en 1772, plusieurs femmes arrêtées « pour l’affaire du Parlement de Normandie ». On peut supposer que Perpétue Dufossé et ses deux femmes de chambre, embastillées alors, furent poussées par les femmes des parlementaires normands à l’agitation qui leur valut leur emprisonnement[1]. Mais rien ne nous permet de l’affirmer… Par contre, à Grenoble, à Bordeaux, à Toulouse, les femmes jouent dans la résistance parlementaire un rôle de premier plan. À Grenoble, lors de la dissolution du Parlement du Dauphiné et de son remplacement par le Conseil supérieur créé par Maupeou, les femmes de magistrats firent tout leur possible pour empêcher leurs maris de prendre place dans les Conseils supérieurs créés par le chancelier. « La femme du Président du Pina fut l’âme de la résistance[2]. » Elle n’accepta qu’avec peine, n’ayant pu d’ailleurs l’empêcher, la nomination de son mari comme président du Conseil supérieur, et le secrétaire de l’Intendant la félicitant de cette nomination, elle lui répondit par un soufflet, montrant combien elle jugeait humiliant pareil honneur[3].

À Toulouse, c’est, pendant toute la deuxième moitié du xviiie siècle et sans attendre même la dissolution du Parlement, que les femmes des parlementaires manifestèrent leur humeur altière et leur goût de la politique. Quelques-unes, telles la présidente de Cambon, née Riquet de Bonrepos, étaient, semble-t-il, des individualités remarquables par leur énergie. Autour d’elles se groupèrent toutes celles qui, par orgueil de caste et patriotisme local, voulaient, d’une volonté aussi ferme au moins que celle de leur mari, maintenir intactes, fut-ce contre la volonté royale, les franchises de la province et les droits du Parlement.

Lorsqu’en 1762, le président du Bastard vint, envoyé par la Cour, prendre possession de son siège, dans les cercles parlementaires toulousains on attribua cette nomination à Mme de Pompadour, parente de Mme du Bastard, et les femmes des autres magis-

  1. Funck Brentano. Les lettres de cachet.
  2. Prudhomme. Histoire de Grenoble.
  3. Ibid.