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L’intendant Rossignol l’oblige, d’ailleurs, à vendre ses grains et elle ne peut exécuter son généreux projet[1]. La comtesse de Lanneau, propriétaire de fabriques en Picardie, introduit dans la région la mode des indiennes. Une dame de la même province, la comtesse de Lameth, a établi une fabrique de coton à Bétencourt, puis, dans la même localité, une manufacture de toile de coton, ceci non pour en tirer des bénéfices mais pour améliorer le sort de la population : « Femme pleine de lumière et de connaissance, dit le subdélégué Ducastel dans un mémoire adressé à l’Intendant de Picardie, elle s’est multipliée pour le bonheur des paysans et est adorée dans le pays[2]. »

Il se trouve donc parmi les femmes qui doivent mener la vie du propriétaire campagnard, et même parmi celles qui ne restent que momentanément sur leurs terres, quelques esprits d’élite et quelques cœurs généreux qui ne voient pas seulement dans leur domaine une source de revenus mais considèrent qu’elles ont charge d’âme et, en esprits éclairés, tentent d’intelligentes réformes.

Quant à celles qui, sans arrière-pensée philanthropique, et dans le seul but d’accroître leurs ressources, créèrent sur leurs terres des établissements ou exploitations industriels, elles apparaissent comme nombreuses. À l’exemple des grands seigneurs, les plus grandes dames s’intéressent à des entreprises industrielles. Les comtesses de Rochefort et de Castellane sont parmi les associées du marquis de Mirabeau dans l’exploitation de la mine de plomb de leurs terres de Glanges, en Limousin[3]. Elles trouvent dans la noblesse campagnarde des imitatrices : ce sont M. et Mme  de Serilly, gentilshommes auvergnats, qui exploitent les mines de plomb de leur terre de Meyrannes[4], C’est la baronne d’André, qui adresse au gouvernement une demande de concession de mine dans le Limousin[5]. C’est la comtesse de Juliac, qui ouvre une mine de charbon dans sa seigneurerie de Sérignac[6]. C’est la duchesse de Villeroi, qui commandite le baron d’Espalier, inventeur d’un procédé pour fixer les sables aurifères. C’est Mme  d’Alagnat qui, à la mort de son mari, fait renouveler en sa faveur le privilège de sa faïencerie[7].

  1. Arch. Départ., Puy-de-Dôme, C. 892.
  2. Arch. Départ., Somme, C. 285.
  3. Carré. Loc. cit.
  4. Arch. Départ., Puy-de-Dôme, C. 6973.
  5. Arch. Départ., Haute-Vienne, C. 355.
  6. Arch. Départ., Gironde, C. 1598.
  7. Arch. Départ., Hérault, C. 2712.