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leur vie une moins grande place. Il n’en sera pas de même, nous le verrons, pour les femmes appartenant à la haute bourgeoisie parlementaire.

iii. Rôle dans la vie économique et sociale

Si toutes les femmes nobles de province ne trouvent pas l’occasion de s’occuper de politique, nombreuses du moins sont celles qui, avec activité et énergie, savent diriger leurs propres affaires, lorsqu’elles sont filles ou veuves ou, lorsqu’elles sont mariées, celles de leurs maris et par surcroît celles de leurs parents. Il s’en faut de beaucoup que, dans la vie des familles provinciales, la femme se contente du rôle effacé de docile épouse et de fileuse de laine. Nous la voyons déployer, à maintes reprises, une habileté, une initiative, un goût de l’intrigue qui, dans d’autres milieux, feraient une femme politique et qui se dépensent sur un terrain moins vaste pour le plus grand bénéfice de la famille dont la femme apparaît, autant que le mari, comme le représentant à l’extérieur.

On pourra un jour, lorsqu’on aura consacré à la vie provinciale française au xviie siècle un certain nombre de monographies, avoir une idée exacte du rôle immense joué par les femmes dans la vie de la France. Pour l’instant déjà, la lecture des mémoires et l’étude de quelques pièces d’archives permet du moins de se représenter avec netteté certains traits.

C’est surtout la femme appartenant à la noblesse pauvre, celle qui vit, non à la ville, mais dans un petit bourg ou dans son château villageois, qui apparaît avec une physionomie originale. La vie de celle-ci, loin de se passer dans les hôtels, imitant de près ou de loin ceux de Versailles, dans de claires et hautes pièces décorées de cabinets rocaille ou de tableaux galants, s’écoule dans une maison antique, telle celle dont un historien d’une famille lorraine, les Saint-Lambert, nous fait la description : « Maison toute nue de façade, avec ses deux fenêtres aux volets pleins, sa haute et large porte cochère ouvrant sur une cour de ferme où donnent quelques chambres surmontées d’immenses greniers ; là, des meubles lourds, vastes et larges, fauteuils recouverts de tapisserie, tables massives, hautes cheminées taillées dans la pierre noircie et dont, seule concession à l’élégance du temps, la tablette est soutenue par des coquilles sculptées, surmontées d’un cadre en relief aux simples fleurons, aux cannelures légères[1]. » Les murs sont nus, parfois

  1. Georges Mangeot. La famille de Saint-Lambert.