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de Vaucouleurs, est lourd et n’a ni la vigueur, ni la conviction profonde ni la largeur de vues de la Cité des Dames ; il est néanmoins intéressant comme signe de l’état d’esprit féministe de son inspiratrice.

L’érudit Guillaume Postel, qui apparaît ensuite, est un féministe mystique à la manière de Guillelmine de Bohême. Ses conceptions ont, à n’en pas douter, leurs sources dans le gnosticisme autant que dans la scolastique médiévale. Comme saint Thomas, Postel juge la nature féminine moins noble que la nature masculine ; celle-là représente la matière inerte, confuse mais riche de toutes les possibilités. Celle-ci, force organisatrice, doit leur donner la forme et la vie.

La femme représentant la matière, l’homme l’esprit, Adam doit se contenter de la royauté spirituelle laissant à Eve le monde des Corps. Donc, aux femmes la domination temporelle ; elle leur revient de droit. Seules, d’ailleurs, elles sont capables de rénover le monde des corps, parce qu’il y a entre elles et le monde des corps une affinité de nature.

À la mère Jeanne, phophétesse qu’il avait rencontré à Venise et qu’il déclarait sortie de la substance du Christ par sa seule volonté, Postel destinait le suprême pontificat.

Elle a rénové la partie inférieure, ou féminine, du monde comme le Christ a rénové la partie supérieure. La libération et le triomphe des femmes sont la condition essentielle de cette rénovation.

Rien de précis, sans doute, touchant les conditions de cet affranchissement des femmes. Postel reste plus imprécis, encore plus hermétique, s’il est possible, que ses maîtres les gnostiques. Cependant, comme eux et dans la même mesure, il est le précurseur du féminisme : ses théories sont le dernier épanouissement, — avant qu’en matière de féminisme comme dans les autres domaines, le rationalisme ne triomphe, pour plusieurs siècles, — d’un mysticisme qui ne reparaîtra bien changé mais encore reconnaissable, qu’avec Boissel et les saints-simoniens.

La régence de Catherine de Médicis, les guerres de religion, la Ligue font apparaître de brillantes individualités féminines, laissent une grande part aux intrigues des femmes, ressuscitent la féodalité où la femme noble déploie librement son activité. Aussi, à la fin du xvie siècle, le courant féministe devient plus fort.

La Cour de France entend Catherine de Médicis protester contre la loi salique au nom de l’égalité intellectuelle des deux sexes. Marchant sur les traces de Christine de Pisan et de Postel, des féministes italiens et allemands soutiennent la précellence du score féminin et, sans doute s’inspirant des idées de ses devanciers dont elle fait un curieux mélange, Marguerite de Navarre (la populaire reine Margot) compose un ouvrage en forme de lettres « pour défendre son sexe